Félix Séguin se souvient dans les moindres détails du 8 octobre 2014.
En ouverture de la saison 2014-2015, le Canadien de Montréal a vaincu les Maple Leafs de Toronto par la marque de 4-3.
Cette journée marquait aussi le premier match de Félix Séguin comme descripteur officiel du Canadien sur la chaîne TVA Sports. C’était la chance d’une vie. Et surtout la réalisation de son plus grand rêve.
« Énormément de nervosité », répond-il lorsqu’on lui demande ce qui lui revient lorsqu’il pense à cette expérience marquante.
« Il y avait énormément de pression. J’étais super prêt, tu ne peux pas imaginer à quel point ! Cette journée-là, le plus gros défi a été de gérer les émotions. Avec le recul, je peux dire que je ne les ai peut-être pas bien gérées. Je suis capable de le reconnaître, mais ça fait partie de qui je suis. C’est de l’apprentissage. »
Séguin, en ce lundi de novembre, nous rejoint au complexe d’entraînement CN. Sur la passerelle, entre les deux patinoires du complexe, le commentateur et père de trois enfants va se livrer pendant près d’une heure au cours d’une rare entrevue.
Même s’il évolue sous le feu des projecteurs chaque samedi soir, Séguin préfère l’ombre à la lumière. « Ma vie tourne autour de ma conjointe et de mes trois enfants. »
Ma femme sauve des vies, elle est infirmière ; moi, je suis là plus pour divertir. Ça me garde les pieds sur terre.
Félix Séguin
Pendant la séance photo, avec notre photographe Martin Chamberland, Séguin sent qu’il attire l’attention des spectateurs. « Tu vois, ça, j’aime moins ça », lance-t-il en riant nerveusement.
Une remarque étonnante, étant donné qu’il a toujours rêvé de se retrouver devant l’objectif d’une caméra.
« À 10 ans, j’avais dit à mes parents que je voulais décrire des matchs de hockey. Et aujourd’hui, à 44 ans, je gagne ma vie avec ça. »
Pour lui, « ça n’a jamais été une question d’être populaire », mais plutôt « d’aimer ce [qu’il] faisai[t] ». « J’aime profondément la game de hockey. Je veux mettre les athlètes et ce sport en valeur. »
L’ambition
Déjà à Eastman, où il a grandi, Séguin s’émerveillait devant la boîte à images. D’une part, grâce aux prouesses des joueurs du Canadien et des Nordiques de Québec. D’autre part, grâce à l’éloquence et la pertinence de Richard Garneau.
Séguin décrie Garneau comme son modèle. Une inspiration de tous les jours qu’il a rencontrée lors des Jeux olympiques de Londres, en 2012, alors que Séguin couvrait le plongeon.
« Moi, c’était l’humilité de M. Garneau qui m’a marqué. J’étais assis à côté de lui dans les transports, j’essayais de lui poser des questions. Il répondait de façon polie, mais il me répondait en me bombardant de questions sur moi, pour apprendre à me connaître. Je n’en revenais pas. Comment un homme aussi grand pouvait être aussi humble. »
Mais avant de se déplacer dans la même navette que son idole dans les rues de la capitale anglaise, il a pris « des décisions tout au long de [sa] vie pour atteindre [son] objectif d’être le descripteur du Canadien », explique-t-il, et pour tenter de reproduire à sa manière ce que faisait Richard Garneau.
Même si, dans l’absolu, il existait bien peu de chances que Séguin puisse réaliser son rêve, en raison du caractère exceptionnel du poste convoité, « personne n’aurait pu [l]’empêcher de croire [qu’il était] capable de le faire. C’était impossible. »
À l’école secondaire, il a étudié les sciences pour ouvrir ses horizons et améliorer son dossier scolaire, même s’il n’était « pas très bon ».
Au cégep, il a étudié en anglais. « Parce que je ne parlais pas anglais et je savais que je devais le parler si je voulais faire ça. »
Il a ensuite pris la route de l’Abitibi, à six heures de chez lui. « Je ne connaissais personne et je ne connaissais pas la région. Mais je voulais apprendre pour, un jour, revenir à Montréal avec du bagage. »
La télévision
Pendant trois ans, il a travaillé dans la région des Foreurs et des Huskies à l’antenne de CJMV et dans les studios de TVC9 à la description des matchs de la LJHMQ.
Puis, en 2004, il a fait son entrée au Réseau des sports comme rédacteur-journaliste.
« Ça a été quelque chose de super important. C’était la seule station sportive à cette époque. On m’a fait énormément confiance sur des projets importants », se souvient-il.
En rédigeant les textes des bulletins de Chantal Machabée, Frédéric Plante et Marc Labrecque, « on m’a permis de me développer. J’ai touché à tout. C’est là que j’ai vraiment compris comment fonctionnait le monde de la télé ».
De fil en aiguille, il a gravi les échelons, jusqu’à décrire son premier match en avril 2008. Un duel entre les Sharks de San Jose et les Flames de Calgary.
« Ça s’est enchaîné rapidement », rappelle-t-il.
Jusqu’à ce qu’on lui dise « c’est à toi » dans son casque d’écoute, sur la passerelle du Air Canada Centre, le 11 octobre 2014, pour le premier match du Canadien sur la chaîne TVA Sports.
« J’étais très nerveux. Anxieux. Le cœur bat à 100 miles à l’heure. Et je savais que tout le monde regardait. Tout le monde voulait voir ce qu’on était pour offrir. »