La reconduction du mandat de Charles Emond pour un second de cinq ans comme PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec n’a pas été une décision difficile à prendre pour le conseil d’administration de l’institution. Charles Emond a eu largement l’occasion de démontrer ses capacités à gérer en temps de crise et à naviguer en eau trouble.

Il ne faudrait toutefois pas que, sous les pressions de Québec, son rôle de grand timonier de la plus importante institution financière québécoise soit ramené à celui de simple chef de gare…

Entré en fonction le 1er février 2020, comme successeur de Michael Sabia, Charles Emond a eu – un mois et demi plus tard – à composer avec l’éclatement soudain et brutal de la pandémie de COVID-19.

Du jour au lendemain, les actifs réels de la Caisse comme les aéroports, les centres commerciaux ou les immeubles de bureaux ont été désertés. Les marchés boursiers ont basculé de 35 % en l’espace de trois semaines, mais la Caisse a quand même réussi à dégager un rendement de 7,7 % à l’issue de cette année 2020 hors norme.

Durant les quatre années de son premier mandat, les actifs de la Caisse sont passés de 340 milliards à 424 milliards au 30 juin dernier. Les résultats pour l’ensemble de l’année 2023 vont être dévoilés dans les prochains jours.

Charles Emond a été embauché par Michael Sabia en mai 2019 pour occuper deux fonctions névralgiques, soit celle de premier vice-président et chef des investissements au Québec et responsable de la stratégie globale de la Caisse. Dans le premier poste, il remplaçait Christian Dubé, qui venait d’être élu pour la Coalition avenir Québec, et dans le deuxième, il succédait à Roland Lescure, élu député à l’Assemblée nationale française.

Cette place très avantageuse dans la hiérarchie de l’institution le faisait d’emblée successeur potentiel de Michael Sabia, qui avait suivi son parcours à la Banque Scotia. Charles Emond a travaillé durant près de 20 ans à la Scotia, où il a réalisé différents mandats qui auraient pu l’amener à occuper les plus hautes fonctions à la banque.

Il a été actif durant des années dans les investissements auprès des entreprises québécoises avant de devenir responsable des investissements des grandes entreprises à partir de Toronto.

Durant ses cinq dernières années à la Scotia, il a été chef des investissements à l’échelle mondiale, et durant cette période, la banque canadienne est devenue la troisième institution bancaire la plus importante du continent sud-américain.

Développement économique et omniprésence

Calme, s’exprimant toujours d’un ton posé, moins sanguin que son prédécesseur, Charles Emond a réussi au cours des quatre dernières années à se faire rassurant, même lorsque la situation financière et économique pouvait sembler catastrophique ou lorsque les travaux du REM donnaient l’impression de s’embourber dangereusement.

L’ex-banquier utilise bien ses talents pédagogiques lorsqu’il doit commenter – au moins deux fois par année – les résultats financiers de la Caisse, en indiquant clairement les principales raisons de la bonne ou de la mauvaise performance d’une classe d’actifs ou de l’ensemble de l’œuvre.

Sous sa gouverne, la Caisse vient d’entreprendre, dans un souci d’optimisation, la restructuration de sa division immobilière en intégrant en son sein ses deux principales divisions, Ivanhoé Cambridge et Otéra Capital.

Charles Emond a poursuivi la politique d’investissement au Québec qu’avait introduite de façon patente Michael Sabia en 2014, lorsqu’il a nommé Christian Dubé premier vice-président, Québec.

Michael Sabia voulait démontrer à l’époque que la Caisse prenait à cœur sa mission de développement économique, un mandat constitutif qu’on a longtemps reproché à la Caisse de négliger.

Charles Emond a remplacé Christian Dubé dans cette fonction et il a été lui-même remplacé par Kim Thomassin. On ne reproche plus aujourd’hui à la Caisse de ne pas remplir son mandat de participer activement au développement économique du Québec.

C’est plutôt l’inverse qu’on observe ces temps-ci alors que la Caisse de dépôt semble jouer un rôle démesuré et occuper une place disproportionnée dans le développement et l’avenir de solutions de transport actif au Québec.

La Caisse a été la bougie d’allumage et le grand maître d’œuvre du REM, on lui concède bien sûr la paternité de ce projet d’infrastructures qui avait été créé au départ pour être répliqué partout dans le monde. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui alors que les ambitions d’expansion du REM se limitent à rallier la couronne nord de Montréal.

La Caisse, qui devait être partenaire dans la construction d’une nouvelle antenne du REM sur la Rive-Sud, à Longueuil, a décidé de se retirer du projet, et on vient de lui confier le mandat d’analyser quel serait le meilleur système de transport pour la ville de Québec, tout en lui demandant de définir quel serait le meilleur troisième lien pour relier la Rive-Sud à la ville de Québec.

Il ne faudrait pas que l’omniprésence de la Caisse de dépôt dans ces différents projets de transport devienne une distraction et l’écarte de son mandat premier, qui est de générer des rendements financiers pour ses déposants. Le mandat de Charles Emond ne doit pas se limiter à être un chef de gare, il doit le faire commandant du navire amiral qu’est la Caisse de dépôt.