À l’occasion du temps des Fêtes, des journalistes de la section Arts et Être se passent le relais pour narrer quotidiennement un conte en cinq chapitres. Suivez les aventures des jumeaux Marko et Klara, qui ont fait une fabuleuse découverte sur le mont Royal. Bonne lecture !

Les cônes étaient toujours sur le circuit Gilles-Villeneuve, barrant la route de cyclistes qui laissaient derrière eux de vives traînées lumineuses à chaque poussée d’accélération, lorsque Marko, Klara et Gaston le raton retrouvèrent Youppi et son train à chenilles sur la ligne arc-en-ciel.

Juste à temps pour la reprise du service. Cette fois, notre quatuor mit le cap sur l’est de Montréal, un secteur mis à mal par les cônes orange ces derniers temps. « Depuis qu’ils se sont installés sur Pie-IX, ils sont indélogeables ! s’exaspéra le raton laveur. Plusieurs de mes cousins se sont réfugiés sur le mont Royal à cause de cette situation. »

Marko et Klara écoutaient leur nouvel ami avec crainte. « L’est de la ville était-il un endroit si terrible ? » « C’est là que j’ai passé mes plus belles années, intervint Youppi, qui suivait la conversation de la cabine du conducteur. Gary Carter, Andre Dawson, Tim Raines, Vladimir Guerrero, je les ai tous connus ! Ah, si seulement Gary n’avait pas été échangé aux Mets. Ç’a été le début de la fin… »

Bang ! Un cône venu heurter le côté du train sortit Youppi de ses rêveries. « Cramponnez-vous, les petits ! Une fois que nous aurons traversé Pie-IX, la tempête devrait se calmer ! », lança la mascotte.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le Jardin botanique de Montréal

De fait, le train arrêta sa course dans un endroit verdoyant orné de plantes géantes qui tantôt se déployaient pour faire de l’ombre aux visiteurs ou les protéger de la pluie, tantôt s’illuminaient à la tombée de la nuit. « Bienvenue à Espace pour la vie ! lança Gaston. Bon, aucun Montréalais n’appelle cet endroit comme ça, mais c’est ce que c’est. Il y a de la vie ici… et tous les climats du monde ! »

« Aow ! Aow ! » Le trio leva les yeux au ciel. « Satanés goélands », maugréa Gaston, qui n’arrivait jamais à semer cette armée ailée qui en bavait pour ses croustilles. À voix haute, il se rappela d’être prudent.

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Ratons laveurs au Biodôme de Montréal

Mais Gaston se parlait seul. Marko et Klara étaient déjà partis à la découverte du luxuriant parc, devenu un sanctuaire pour les espèces en péril et bien d’autres. Dans ces quelques kilomètres carrés, à l’ombre du Stade olympique, les gorilles des montagnes côtoyaient les caribous forestiers, les tortues luths, les rainettes faux-grillon, les pandas roux et… « des vaches ? », s’exclamèrent les jumeaux, interloqués.

« Ce ne sont pas de vulgaires ruminants, expliqua Gaston, qui les avait rattrapés. Ces vaches sont devenues des stars après s’être sauvées de leur enclos. Elles ont échappé à des cowboys, à une directrice générale en talons hauts. On leur a même rendu hommage au Sénat ! Aujourd’hui, elles donnent des conférences sur les bienfaits du retour à la vie sauvage. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Un majestueux papillon monarque virevolta à leur rencontre.

Le trio continua sa promenade dans les jardins ornés d’arbres fruitiers qui tendaient la branche au passage des petits cueilleurs, de rosiers remplis de mini-scarabées bonbons et de bonsaïs qui changeaient de couleur selon la météo, lorsqu’un majestueux papillon monarque virevolta à leur rencontre. « Bonjour, Gaston ! Il y a longtemps qu’on ne t’a pas vu par ici. »

« Tu sais, Danaus, moi, les endroits où on ne peut nourrir les animaux, j’évite, répondit le raton. Mais l’heure est grave. Pour ramener les jumeaux à la maison, nous devons rassembler les composants de la Machine anticônes et l’une d’elles se trouve ici. »

« Le monde aurait-il enfin compris l’importance de la nature ? demande Danaus. Depuis des décennies que les machines et les humains sont mis au-dessus de nous. On détruit nos habitats, on brûle les forêts, on acidifie les cours d’eau. Même pour nous, les monarques, qui sommes pourtant de puissants marathoniens, la survie n’est pas facile. Les forêts où l’on hiverne, au Mexique, disparaissent. Sur la route, le ravitaillement est de plus en plus difficile. Certains ne terminent pas le voyage. »

« Mais c’est terrible », s’attrista Marko.

« Que pouvons-nous faire pour vous aider ? », demanda Klara.

« Vous voyez ces minuscules graines ? Ce sont des graines magiques, indiqua le papillon. Elles font pousser des plantes qui sont essentielles à notre survie et à celles des autres insectes pollinisateurs qui sont à leur tour essentiels à la vôtre. Prenez-les et répandez-les ! Et glissez-en quelques-unes dans votre Machine anticônes. Ces horribles créatures sont faites de pétrole, elles détestent tout ce qui est naturel. »

Ragaillardis par ce bain de nature qui a bien failli faire exploser l’aiguille du moral-o-mètre, les enfants et le raton remercièrent le papillon et se hâtèrent de regagner le train. Le temps filait et il manquait toujours une pièce au casse-tête. Mais où était Youppi ? « Je savais que ce n’était pas une bonne idée de l’amener par ici, lâcha Gaston. La Stade olympique, le souvenir des Expos, c’est trop pour lui. »