Retirer un condom pendant un acte sexuel sans le consentement de son partenaire est maintenant une infraction en Californie, premier État américain à l’inscrire dans sa législation. La nouvelle disposition ouvre la porte à des poursuites civiles, sans en faire une infraction criminelle.

« C’est assurément une décision progressiste qui est bénéfique pour clarifier quelles conduites sont ou ne sont pas acceptables », a réagi Marie-Amélie George, professeure agrégée de droit à la Wake Forest University, en Caroline du Nord, jointe par visioconférence.

La loi a été adoptée sans opposition le mois dernier et a pris effet jeudi.

Une étude publiée en 2017 dans le Columbia Journal of Gender and Law a contribué à faire connaître la pratique du retrait du préservatif sans consentement – stealthing, en anglais. « Le retrait non consenti du condom durant une relation sexuelle met à risque de grossesse et de maladies les victimes, et cette pratique – les interviews le démontrent clairement – est vécue par un grand nombre de victimes comme une atteinte grave à la dignité et à l’autonomie », écrivait Alexandra Brodsky dans ce texte.

L’avocate y abordait l’existence de sites proposant des conseils sur la façon de retirer un préservatif sans que son partenaire s’en aperçoive. Certains ont depuis été fermés.

Infraction civile ou criminelle ?

Si le geste peut théoriquement faire l’objet d’accusations grâce aux lois déjà en place, sans être nommé spécifiquement, Mme Brodsky prônait l’adoption de nouveaux recours pour les victimes, privilégiant les poursuites civiles, plus adaptées à leurs besoins, selon elle.

Cristina Garcia, membre de l’Assemblée de l’État de Californie à l’origine du projet de loi, a dit avoir été inspirée par la lecture de cette étude. Elle avait d’abord tenté de criminaliser le retrait non consenti d’un préservatif, mais s’était butée à une grande opposition, selon un article paru le mois dernier dans le New York Times. En faire une infraction passible de poursuites civiles est cependant « un bon premier pas » en vue de l’intégrer à terme dans le Code criminel, avait-elle précisé.

Voir ce geste devenir une infraction inscrite au Code civil plutôt qu’au Code criminel est « à la fois une bonne chose et une mauvaise chose », estime Mme George. « On ne voit pas beaucoup de procès pour des agressions sexuelles par rapport au nombre d’agressions qu’il y a, souligne-t-elle. D’un autre côté, la poursuite civile pour une infraction de nature sexuelle n’est pas une démarche que beaucoup de gens entreprennent parce qu’ils doivent payer leurs propres frais judiciaires. »

Par contre, en droit civil, les exigences ne sont pas les mêmes qu’en droit criminel et ne requièrent pas une preuve hors de tout doute raisonnable pour démontrer la responsabilité, ajoute-t-elle.

Au Canada

Au Canada, même si la loi ne mentionne pas spécifiquement le stealthing, la Cour suprême a confirmé en 2014 la condamnation d’un homme pour agression sexuelle grave après qu’il eut percé des trous dans un préservatif à l’insu de sa partenaire.

« Avoir des relations sexuelles avec une personne en lui faisant faussement croire que cette relation est protégée par condom, alors que ce n’est pas le cas, constitue une fraude viciant le consentement, explique dans un courriel Julie Desrosiers, professeure titulaire à la faculté de droit de l’Université Laval. Lorsqu’il y a absence de consentement ou consentement vicié, la relation sexuelle est criminelle. Il s’agirait donc d’une agression sexuelle. »

Un homme de Salaberry-de-Valleyfield a aussi été condamné en 2019 en Ontario pour agression sexuelle après le retrait non consenti du condom pendant un acte sexuel.

Consentement affirmatif

D’autres États américains ont étudié la question, mais aucune disposition n’y a été adoptée.

Un élément intéressant dans la nouvelle loi californienne met en lumière la notion de « consentement affirmatif », souligne Mme George.

« Le stealthing est l’absence de consentement verbal au retrait du condom, et c’est un pas vers un standard de consentement affirmatif qui n’est pas typique, note-t-elle. Beaucoup de lois sur les agressions sexuelles tournent autour de l’intention de l’accusé ou de la question de savoir s’il avait des motifs raisonnables de croire au consentement de la victime. [Cette nouvelle loi] requiert le consentement de la personne avant d’agir. »

Avec l’Agence France-Presse et le New York Times