La Prestation canadienne d'urgence (PCU) aura été une réponse efficace et à la hauteur des besoins durant cette pandémie, écrit l’auteur, malgré ce qu’a pu en dire la droite, qui s’est efforcée de culpabiliser le citoyen en lui faisant croire qu’il y avait touché peut-être sans y avoir droit.

Il est manifeste que le gouvernement fédéral a déployé une aide financière sans précédent pour venir en aide directement aux citoyens et aux citoyennes, mais aussi pour soutenir les entreprises et l’économie. Sans ces mesures, le portrait de notre société aurait été bien différent.

Je me souviens comment, à la suite du décret confirmant la crise sanitaire, le système d’assurance-emploi s’est effondré soudainement comme un château de cartes. Je me rappelle les centaines de personnes qui nous appelaient chaque jour, ces citoyens et employeurs désemparés qui cherchaient des réponses. Nous recevions entre 100 et 200 appels tous les jours à partir du 16 mars 2020. Je garde un souvenir aigu de cette période, et je me demande encore où nous avons puisé les forces nécessaires pour poursuivre notre travail sans répit, jour après jour, parfois à partir de 7 h 30 jusqu’à 21 h. Nos lignes étaient engorgées ; nous n’avions pas terminé de prendre en note les messages que déjà la boîte vocale se remplissait. Nous nous étions donné comme objectif de rappeler le même jour chaque personne ayant laissé un message sur la boîte vocale. Nous y sommes parvenus. C’est une salariée du Conseil régional montréalais de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, Sylvie Majeau, qui nous a sauvés en nous offrant son aide. Elle a fait quelque 30 à 40 appels par jour, à partir de chez elle, pendant des semaines. C’est ce qui nous a permis de reprendre notre souffle.

Si j’ai à retenir un élément, un seul, du bilan à faire de cette période, je dirais que cette prestation d’urgence, la PCU, a aidé, voire sauvé, bien du monde, des millions de personnes.

On peut arguer que des phénomènes de fraude ont eu cours, et ce, même à grande échelle (souvent le fait de groupes organisés) ; on peut aussi avancer que des personnes ont demandé et reçu ce type de prestations en sachant très bien qu’elles n’y avaient pas droit. Tout cela est vrai, mais le résultat reste le même : la PCU aura été une opération de sauvetage sans précédent pour venir en aide directement aux citoyens et aux citoyennes de ce pays. Et cette opération a fonctionné.

On peut facilement imaginer à quoi aurait ressemblé la vie de millions de personnes sans cet apport financier direct et rapide. On doit aussi comprendre que cette aide directe a immédiatement été « transférée » dans l’économie de proximité. J’ose avancer, à partir de mon expérience terrain, mais aussi de l’observation d’autres crises passées, comme celle des années 1930, que cette prestation d’urgence a probablement sauvé l’économie du pays.

Le 6 avril 2020, quand les gens ont pu commencer à déposer une demande en ligne ou par téléphone, tout le monde a retenu son souffle : est-ce que la « machine » allait tenir le coup ? Aujourd’hui, nous pouvons affirmer que oui, elle a résisté. Les travailleurs et les travailleuses mis au chômage ont pu commencer à percevoir dès le lendemain ces montants de prestations déposés dans leur compte bancaire, souvent en double (ou plus) parce que le gouvernement voulait avancer un premier mois et en payer un autre de façon anticipée. Tout cela s’est fait dans un grand brouhaha, mais, en bout de piste, le plan a fonctionné. Et c’est l’important.

Nous-mêmes, au bureau, nous avons commencé à en ressentir les effets rassurants dès les semaines suivantes. Le flot d’appels a diminué, il y avait moins d’anxiété, moins d’incertitude chez les gens. Mais nous n’étions pas au bout de nos peines. À partir de la fin avril, soit à peine un mois après l’entrée en vigueur de la PCU, il a fallu gérer autre chose : l’insécurité engendrée par le discours de droite, celui culpabilisant le citoyen ayant perçu la PCU, lui faisant croire qu’il y avait touché peut-être sans y avoir droit, et qu’il devrait rembourser, à tout le moins avoir honte et « expier ». « Shame on you ! », allions-nous répondre à ces oiseaux de malheur.

La crise et le filet social
Pourquoi la droite n’aime pas la PCU

La crise et le filet social
Pourquoi la droite n’aime pas la PCU

Éditions Somme, novembre 2021

104 pages

Qui est Pierre Céré ?

Pierre Céré œuvre depuis une quarantaine d’années à la défense des droits socioéconomiques et politiques. Coordonnateur du Comité chômage de Montréal depuis 1997, il milite pour la refonte du régime d’assurance-emploi afin qu’il offre un véritable filet social aux travailleurs et travailleuses. En 2020, il signait Les pots cassés, ouvrage dans lequel il propose un survol historique de la création et de la transformation du programme d’assurance-emploi en insistant sur les luttes qui ont marqué son évolution.