Dans STAT, la patiente Mélodie Beaulieu, jouée par Émilie Lajoie, a rendu son dernier souffle dans les bras de ses parents, sous le regard, à la fois bienveillant et fâché de l’oncologue Pascal St-Cyr (Normand D’Amour).

Atteinte d’un fulgurant cancer au cerveau, Mélodie, dite Mélo, a renié la médecine traditionnelle, fuck la radiothérapie, et a flirté avec le charlatanisme du DLabrie (François Grisé), spécialiste des poudres de perlimpinpin et des rituels de sudation.

En même temps dans Indéfendable, la comédienne Émilie Lajoie a campé Jessica Renaud, une femme de gangster qui trompait son mari avec le criminaliste visqueux MFrédéric Legrand (Martin-David Peters), mort dans des circonstances nébuleuses.

La même actrice, dans deux rôles importants, qui se recoupent à 19 h.

Dans STAT, un homme confus, interprété par Xavier Huard, a franchi les portes des urgences de l’hôpital Saint-Vincent, le torse lacéré et l’esprit zappé par la cocaïne.

Quand il s’est effondré dans le corridor, Emmanuelle St-Cyr (Suzanne Clément) l’a réanimé sans enfiler de gants de latex, risquant de s’infecter, elle aussi, à l’hépatite C.

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Xavier Huard dans STAT

En même temps, dans Indéfendable, le comédien Xavier Huard s’est glissé dans les vêtements usés du détraqué Pascal Giroux, qui a tué son père à coups de couteau au visage, avant de poursuivre une relation incestueuse avec sa mère (Marie Michaud).

Le même acteur, dans deux rôles différents, qui se chevauchent à 19 h.

Ces doublons au sein des deux séries les plus populaires du petit écran irritent et sèment une certaine confusion chez les téléspectateurs. Suis-je au bon poste ? En ai-je manqué un bout comme la pauvre Mme Panepinto ? Le procès pour meurtre du patient à l’hépatite C a-t-il avorté ?

Rassurez-vous, les dédoublements ne plaisent pas non plus aux producteurs des deux populaires quotidiennes de Radio-Canada et TVA. « On ne veut pas ça, on ne cherche pas ça », indique la coproductrice de STAT, Fabienne Larouche.

Même son de cloche chez le compétiteur Indéfendable. « À 120 épisodes par année, donc 240 épisodes en compilant les deux séries, ça se peut qu’on pige dans le même bottin de l’Union des artistes. Le rythme est rapide, on n’a pas nécessairement le temps de tout vérifier », ajoute le coproducteur d’Indéfendable, Charles Lafortune.

La directrice de casting Lucie Robitaille, qui distribue les rôles de STAT, hurle devant son écran quand un doublon lui passe sous les yeux. « Je suis la première à être blessée par ça, je respecte trop le public. On fait tout pour éviter les doublons, on fait un travail colossal. On vérifie et on confirme avec les agents, mais le hasard nous joue quelques tours. Parfois, un petit rôle qui devait disparaître va finalement prendre de l’ampleur. Ça va vite et ça tourne très vite », constate Lucie Robitaille, qui a également assemblé la distribution de Fragments, À cœur battant et Les yeux fermés.

Responsable de l’attribution des rôles d’Indéfendable, la directrice de casting Mélanie Ranger ne saute pas non plus de joie quand un Xavier Huard ou une Émilie Lajoie apparaissent dans deux téléromans rivaux, en simultané.

C’est difficile comme situation. Très souvent, on le découvre, nous aussi, en visionnant les séries. Mais on ne peut pas non plus demander des contrats d’exclusivité aux acteurs, qui ne travaillent déjà pas assez. Le bassin n’est pas assez grand pour qu’on se prive de certains comédiens.

Mélanie Ranger, directrice de casting

Par exemple, quand l’actrice Émilie Lajoie a décroché un deuxième rôle dans Indéfendable, les auteurs ne savaient pas ce qui adviendrait de sa Jessica Renaud à long terme.

« Et quand on accepte les rôles, nous n’avons pas les dates de diffusion des épisodes. Ce n’est pas une information qui nous est communiquée. Les doublons donnent faussement l’impression que les acteurs travaillent beaucoup, ce qui n’est pas nécessairement le cas. C’est très circonstanciel comme métier », rappelle l’agente de l’actrice Émilie Lajoie, Eugénie Gaillard.

STAT et Indéfendable fournissent du travail à des centaines d’acteurs par année. Ce haut volume de production causera d’autres dédoublements, c’est inévitable.

Par contre, il y a des situations mélangeantes facilement contournables. Prenons l’avocat Léo Macdonald (Sébastien Delorme). Quand son ami flic Maxime (Mathieu Baron) s’est pointé dans Indéfendable, on s’est dit, OK, c’est un mini-conventum de District 31 avec Poupou et Nick Romano, on aime le flash.

Puis, c’est au tour de Peter Miller, dans les chics costumes du criminaliste Cédric Boileau, de débarquer au cabinet Lapointe-Macdonald, où travaille déjà notre bon Léo et où Maxime prend souvent des cafés. Poupou, Romano et François Labelle, ça commence à faire beaucoup d’anciens du 31 dans le même édifice, non ?

Évidemment que la production d’Indéfendable savait que la reconstitution du trio Poupou-Romano-Labelle ferait jaser dans les salons québécois. « Dans Indéfendable, on ne fait pas jouer un rôle de criminel à Peter Miller. On est complètement ailleurs. D’ici la fin de la semaine, les téléspectateurs vont l’avoir adopté », soutient la directrice de casting d’Indéfendable, Mélanie Ranger.

Mise en garde, ici. Un doublon, ça va. Un trio, ça se digère moins bien, même s’il provient de chez Macdonald (la pognez-vous ?).