(Moscou) La Russie a affirmé mercredi avoir abattu deux drones ukrainiens qui visaient le Kremlin à Moscou, dénonçant une tentative d’assassinat de Vladimir Poutine, une accusation aussitôt rejetée par Kyiv.

« Nous n’avons pas attaqué Poutine », a lancé le président ukrainien Volodymyr Zelensky, lors d’un déplacement en Finlande. « Nous défendons nos villages et nos villes », a-t-il ajouté, au moment où, selon Kyiv, des frappes russes, notamment sur une gare et un supermarché, avaient fait 21 morts dans la région de Kherson (sud de l’Ukraine).

PHOTO HEIKKI SAUKKOMAA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky

Les États-Unis, alliés de Kyiv, ont de leur côté dit prendre acte avec « beaucoup de précaution » des accusations du Kremlin.

Une telle incursion de drones à Moscou serait une première depuis le début de l’offensive russe en Ukraine en février 2022.

« La nuit dernière, le régime de Kyiv a tenté de frapper le Kremlin » avec deux drones qui ont été mis « hors service » par des systèmes de guerre électronique, a affirmé la présidence russe.

Mesures de représailles à venir ?

Le Comité d’enquête russe a indiqué dans la soirée avoir ouvert une enquête pour terrorisme « en lien avec une tentative de frapper la résidence du président russe au Kremlin ».

« La Russie se réserve le droit de prendre des mesures de représailles », a ajouté le Kremlin.

Dans une des vidéos diffusées par des médias russes sur les réseaux sociaux, on voit un engin exploser dans une gerbe de flammes au sommet – surmonté d’un drapeau russe – de la coupole du palais du Sénat, l’un des principaux bâtiments dans l’enceinte du Kremlin.

Il n’était pas possible de vérifier ces images de source indépendante dans l’immédiat.

Mercredi, en fin d’après-midi, une correspondante de l’AFP a vu plusieurs personnes s’affairer sur la coupole du palais du Sénat, sans que des dégâts soient visibles du sol.

À quelques jours de célébrations militaires importantes pour Moscou, les attaques de drones et les sabotages se sont multipliés sur le sol russe, au moment aussi où Kyiv dit se préparer à lancer une vaste contre-offensive.

Un haut responsable russe, le président de la Chambre basse du Parlement, Viatcheslav Volodine, a appelé à riposter en utilisant « des armes capables de stopper et de détruire » la direction ukrainienne.

L’ex-président Dmitri Medvedev est allé plus loin, appelant sur Telegram à « l’élimination physique de Zelensky et de sa clique ».

Démenti ukrainien

L’Ukraine, qui dément régulièrement être à l’origine des attaques en territoire russe qui lui sont attribuées, a là encore rejeté toute implication.

L’un des conseillers du président ukrainien, Mykhaïlo Podoliak, a accusé Moscou de « mise en scène » pour justifier « une attaque terroriste d’ampleur en Ukraine ».

Cette attaque présumée au cœur du pouvoir russe intervient à quelques jours des célébrations du 9-Mai commémorant la victoire sur l’Allemagne nazie en 1945.

Plusieurs défilés militaires ont été annulés dans le pays pour raisons de sécurité. La région de Briansk, frontalière de l’Ukraine, a ainsi renoncé mercredi aux grandes festivités, après deux sabotages spectaculaires qui ont fait dérailler deux trains ces derniers jours.

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Passants sur la place Rouge à Moscou, mercredi

Le Kremlin a toutefois affirmé mercredi que le grand défilé militaire sur la place Rouge à Moscou aurait bien lieu comme prévu. Le dispositif policier ne semblait pas avoir été renforcé mercredi. Des badauds déambulaient près de la place Rouge, sans avoir l’air inquiets, devant des banderoles célébrant le 9-Mai.

La mairie de Moscou a annoncé mercredi l’interdiction des vols de drones au-dessus de la ville.

Les incidents impliquant des drones se sont multipliés ces derniers mois en Russie, ces engins ayant pris pour cible des bases militaires ou des infrastructures énergétiques.

Un dépôt de carburant a ainsi pris feu dans la nuit de mardi à mercredi en Russie, non loin de la Crimée annexée, après la « chute d’un drone », selon l’agence de presse officielle TASS.

21 morts à Kherson

La multiplication de ces actions arrive à un moment où Kyiv affirme avoir terminé ses préparatifs en vue d’une grande contre-offensive contre les positions russes en Ukraine.

Des frappes russes « massives » ont fait mercredi 21 morts et 48 blessés dans la région de Kherson, dans le sud de l’Ukraine, selon un dernier bilan.

« Le monde doit voir et savoir », a-t-il ajouté. « Nous ne pardonnerons jamais. Nous vaincrons […] et tous les auteurs seront mis face à leurs responsabilités », a écrit Volodymyr Zelensky, précisant que les victimes étaient toutes civiles et avaient péri notamment dans un supermarché et dans une gare.

C’est dans ce contexte que les autorités ukrainiennes ont annoncé mercredi un couvre-feu de 58 heures à Kherson, près de la ligne de front dans le sud, à partir de vendredi soir pour permettre aux « forces de l’ordre de pouvoir faire leur travail ».

La région de Kherson est souvent citée par les analystes comme l’un des théâtres possibles d’une contre-offensive ukrainienne. La capitale régionale, Kherson, a été reprise en novembre par les troupes de Kyiv, mais est depuis régulièrement bombardée par les Russes.

La Commission européenne a dans ce contexte présenté mercredi un instrument financier doté de 500 millions d’euros pour renforcer la capacité de production de munitions de l’UE à un million d’obus par an afin de reconstituer ses arsenaux et d’aider l’Ukraine.

Ce que l’on sait de l’attaque contre le Kremlin

La Russie a affirmé mercredi avoir abattu pendant la nuit deux drones lancés contre l’enceinte du Kremlin à Moscou dans le but de tuer Vladimir Poutine, à quelques jours des célébrations militaires du 9-Mai.

Voici ce que l’on sait, pour l’heure, de cette atteinte présumée contre le cœur du pouvoir russe, démentie par Kyiv, et qui intervient en pleine multiplication d’attaques et de sabotages en Russie.

Attaque nocturne

En milieu d’après-midi (heure locale), mercredi, le Kremlin publie un communiqué affirmant que deux drones ukrainiens ont tenté de frapper pendant la nuit le complexe du Kremlin, centre du pouvoir russe sous la garde du Service fédéral de protection (FSO) qui assure la sécurité personnelle de Vladimir Poutine.

« Nous considérons ces actions comme une tentative d’acte terroriste et un attentat contre la vie du président », affirme le Kremlin.

Selon la présidence, les deux appareils ont été abattus grâce à des « systèmes radar de guerre électronique ». « Il n’y a eu aucune victime ni aucun dégât causé par la chute et la dispersion des fragments » de drones sur le Kremlin, selon cette source.

Poutine absent et « pas blessé »

Dans son communiqué, le Kremlin dit que le président n’a pas été blessé. Parallèlement, son porte-parole, Dmitri Peskov, a affirmé aux médias russes que Vladimir Poutine n’était pas sur place au moment de l’attaque.

Selon M. Peskov, M. Poutine travaillait mercredi dans sa résidence officielle et ultrasécurisée de Novo-Ogarïovo, à 25 de kilomètres à l’ouest de Moscou.

La veille au soir, Vladimir Poutine était, officiellement, en déplacement à Saint-Pétersbourg (nord-ouest), où il a rencontré le directeur du théâtre Mariinski, toujours selon la présidence russe.

Vidéos non authentifiées

Dès le communiqué du Kremlin, une série de vidéos censées montrer l’attaque sont soudainement apparues sur de multiples chaînes Telegram russophones soutenant l’attaque en Ukraine.

L’une de ces vidéos, la plus spectaculaire, montre un engin volant exploser dans une gerbe de flammes au-dessus de la coupole du palais du Sénat, surmontée d’un drapeau russe, l’un des principaux bâtiments dans l’enceinte du Kremlin.

L’AFP n’a pas été en mesure de confirmer la véracité de ces vidéos et les autorités russes ne les ont pas commentées à ce stade.

Mercredi, en fin d’après-midi, une correspondante de l’AFP a vu plusieurs personnes s’affairer sur la coupole du palais du Sénat, sans traces visibles, du sol, de dégâts, sur la coupole en question.

Contexte tendu pour Moscou

L’attaque se produit alors que la Russie est sous pression face à un enchaînement, ces cinq derniers jours, d’attaques de drones, notamment contre des dépôts de pétrole et deux sabotages ferroviaires spectaculaires dans une région russe bordant l’Ukraine.

Ces incidents interviennent à quelques jours des célébrations du 9-Mai, commémorant de la victoire de 1945 contre l’Allemagne nazie, une date essentielle dans le programme politique du Kremlin, qui se pose en successeur de la puissance de l’URSS.

Le porte-parole de la présidence russe a assuré que le grand défilé militaire sur la place Rouge, qui jouxte le Kremlin, se tiendra comme prévu, malgré cette attaque de drones présumée.

Réactions ukrainiennes et russes

Très rapidement, la présidence ukrainienne a déclaré n’avoir « rien à voir » avec cette attaque présumée, accusant même la Russie d’une « mise en scène ».

« De tels propos mis en scène par la Russie doivent uniquement être considérés comme une tentative » pour trouver un prétexte pour « une attaque terroriste d’ampleur en Ukraine », a dit Mykhaïlo Podoliak, conseiller de Volodymyr Zelensky.

Pour lui, une telle attaque, si elle était effectuée par Kyiv, « ne résoudrait aucun problème militaire », quand Moscou contrôle toujours près de 20 % du territoire ukrainien.

Le président de la Chambre basse du Parlement russe, Viatcheslav Volodine, a lui appelé à « détruire » le gouvernement ukrainien après cette attaque présumée.

Le maire de Moscou, Sergueï Sobianine, a de son côté annoncé que les vols de drones seraient désormais formellement interdits dans la capitale, sauf autorisation spéciale du gouvernement russe.