Enfin terminé, le remboursement de votre prêt hypothécaire ? Bravo ! Mais attention avant de proclamer votre liberté nouvelle. Du moins, tant que vous n’aurez pas fait retirer par un notaire le privilège sur votre propriété inscrit au Registre foncier par votre prêteur. Ça s’appelle une quittance hypothécaire. Et son bon usage en fin d’emprunt demeure méconnu. Avis d’experts.
Qu’est-ce qu’une quittance hypothécaire ?
Il faut d’abord rappeler le fonctionnement d’un emprunt hypothécaire résidentiel avant d’expliquer la quittance.
Pour l’essentiel, un prêt hypothécaire résidentiel est un contrat d’emprunt qui est garanti par un actif immobilier comme une maison, un condo ou un chalet.
Ainsi, lorsque l’on contracte un prêt hypothécaire, le prêteur fait enregistrer un droit ou privilège sur la propriété financée dans le Registre foncier, par l’entremise d’un notaire.
Ce privilège de garantie hypothécaire se résume habituellement à permettre au prêteur de saisir la propriété qu’il finance en cas de manquement de l’emprunteur aux conditions de son contrat de prêt hypothécaire.
Par exemple : des retards ou des défauts de paiement d’intérêts et de remboursement des fonds empruntés, une perte de valeur importante de la propriété financée par négligence d’entretien, par une perte d’assurance ou par un changement d’usage majeur.
Cela dit, quand un emprunt hypothécaire parvient à terme et est pleinement remboursé, le prêteur ne renonce pas automatiquement à son privilège inscrit sur la propriété financée.
« La fin du remboursement d’un emprunt hypothécaire n’équivaut pas à la fin du lien de garantie hypothécaire du prêteur sur la propriété financée », avertit Marc-Antoine Bernier, notaire-conseil chez Educaloi.
Pour terminer ce lien sur sa propriété, l’emprunteur devra s’adresser à un notaire pour obtenir le retrait ou la quittance du lien de garantie hypothécaire du prêteur sur sa propriété.
La quittance est un document notarié dans lequel le prêteur hypothécaire reconnaît qu’il a été remboursé en totalité et qu’il consent au retrait de son droit hypothécaire – sa garantie – inscrit au Registre foncier sur la propriété financée.
Faut-il s’empresser d’obtenir une quittance ?
En fait, ça dépend de la situation du propriétaire. « La majorité des emprunteurs hypothécaires ne savent pas ou ne sont pas informés par leur prêteur qu’ils ont besoin d’une quittance notariée après la fin de leur remboursement de prêt hypothécaire si, par exemple, ils prévoient une revente prochaine de leur propriété résidentielle », signale Ryan La Haye, courtier hypothécaire et directeur chez RLH/Planiprêt à Laval.
Aussi, si un propriétaire a négligé de « quittancer » les droits inscrits sur sa propriété par les différents prêteurs qui se sont succédé au fil des ans, il pourrait se retrouver en situation compliquée et coûteuse d’avoir à régler plusieurs quittances simultanément dans le Registre foncier.
Et ce, afin de répondre aux conditions de clarté de titre foncier de la part d’un acheteur de la propriété et de son prêteur hypothécaire.
« Le coût total d’une quittance simple avec un notaire approche le millier de dollars, mais il peut s’élever à 3000 ou 4000 $ dans une situation de quittances multiples à inscrire au Registre foncier », avertit Ryan La Haye.
Peut-on reporter une quittance hypothécaire ?
Oui, mais à condition de prévoir la « réutilisation » du lien hypothécaire inscrit sur sa propriété dans le Registre foncier pour faciliter l’obtention d’un nouvel emprunt auprès de son prêteur hypothécaire.
« Un propriétaire qui a terminé son remboursement d’hypothèque peut ressentir une fierté en se dépêchant d’inscrire sa quittance au Registre foncier. Mais il ne s’agit pas toujours de la meilleure façon de procéder en matière de planification financière », signale Louis-David Lafortune-Boulard, directeur et associé chez Momentum Cabinet hypothécaire, à Joliette.
Il mentionne l’exemple de propriétaires avec une bonne valeur nette de leur maison libre de dettes, de l’ordre de quelques centaines de milliers de dollars, mais qui auraient peu de fonds disponibles rapidement en cas de gros imprévu budgétaire ou de nouveau projet important.
« Une bonne façon de prévenir un tel stress budgétaire serait d’obtenir une marge de crédit à taux d’intérêt de type hypothécaire, et d’un montant pouvant s’élever jusqu’à 65 % de la valeur nette de la propriété résidentielle », indique M. Lafortune-Boulard.
Or, le maintien du lien de garantie hypothécaire déjà inscrit sur la propriété au lieu de le « quittancer » après la fin du remboursement du prêt hypothécaire peut faciliter l’obtention d’une marge de crédit hypothécaire à coûts avantageux auprès de son prêteur établi.
« S’empresser d’obtenir la quittance d’un lien hypothécaire sur sa propriété peut s’avérer une erreur coûteuse de planification financière si, par exemple, on devait contracter ensuite un prêt personnel à taux d’intérêt plus élevé [que les taux hypothécaires] pour payer l’achat d’un nouveau véhicule ou des travaux importants sur notre propriété », relate Louis-David Lafortune-Boulard.
Par ailleurs, les experts consultés par La Presse signalent que le maintien du lien de garantie hypothécaire sur une propriété résidentielle au lieu d’en obtenir la quittance peut servir de mesure préventive contre le risque de fraude immobilière.
Parfois décrit comme le « vol de maison », il s’agit de l’appropriation frauduleuse d’un titre de propriété résidentielle qui est libre de lien de garantie hypothécaire dans le but d’une revente frauduleuse à l’insu de son propriétaire légitime.
« Ces fraudeurs ou voleurs de résidence recherchent les propriétés nouvellement libérées d’un lien hypothécaire parce qu’ils risquent beaucoup moins d’être interceptés par un intermédiaire – souvent un ancien prêteur hypothécaire – qui détient encore un privilège sur la propriété, décrit Ryan La Haye, chez RLH-Planiprêt.
« Cet intermédiaire devrait consentir à retirer ce privilège pour donner suite à une transaction sur la propriété, ce qui constitue un obstacle embêtant pour des fraudeurs immobiliers, et une forme de protection pour les propriétaires résidentiels sans dette hypothécaire. »