Depuis le renouvellement de l’accord de libre-échange nord-américain en 2020, les relations entre les trois amigos signataires du traité n’ont pas fait beaucoup de bruit. Il y a eu l’élection américaine et la pandémie, qui ont nui aux rapprochements au sommet. Mais voilà que l’invasion russe en Ukraine jette un froid entre le Mexique et ses partenaires canadien et américain.

Le Mexique est un des rares pays à refuser d’imposer des sanctions à Moscou. Des députés du parti du président Andrés Manuel López Obrador, au pouvoir depuis 2018, viennent même de créer un groupe d’amitié Mexique-Russie, ce qui met les Américains en furie, rapportait la semaine dernière le journal Le Monde.

Accusé d’accueillir des espions russes, le président mexicain a nié et répliqué que « le Mexique est un pays libre, indépendant, souverain. Nous ne sommes une colonie ni de la Russie, ni de la Chine, ni des États-Unis ».

AMLO, comme on appelle le président, est un chef d’État particulier à plusieurs égards. Il a tourné le dos aux réformes entreprises par ses prédécesseurs néolibéraux pour, a-t-il promis, redonner le pouvoir au peuple.

Il a donné l’exemple avec un changement radical des habitudes présidentielles. Il a un mode de vie frugal et ne voyage jamais à l’étranger. L’avion présidentiel, un Boeing 787 Dreamliner, a été mis en vente dès son arrivée au pouvoir. Comme il n’a pas trouvé preneur, il a été mis à la disposition des Mexicains qui voudraient y organiser des mariages et des fêtes.

En même temps, le président a lancé des projets d’investissements pharaoniques qui saignent le Trésor public. Un train reliant les sites archéologiques du Yucatán est en construction, un projet de 1500 kilomètres dont le coût est estimé à au moins 1,4 milliard. Le projet suscite beaucoup d’opposition parce qu’il ne semble pas avoir d’autre objectif que de transporter les touristes s’intéressant à la civilisation des Mayas.

Dès son arrivée au pouvoir, AMLO a stoppé la construction du nouvel aéroport de Mexico, dont le tiers était complété, pour en faire bâtir un autre par l’armée sur un autre site. Le nouveau terminal a été inauguré il y a quelques semaines, et l’État a absorbé les pertes de ce changement de plan.

Mais c’est la réforme du secteur de l’énergie entreprise par AMLO qui fait le plus grincer des dents les partenaires commerciaux du Mexique, dont le Canada et les États-Unis. Le gouvernement mexicain a entrepris de reprendre le contrôle de la production de pétrole et d’électricité qui avait commencé à s’ouvrir aux investissements étrangers.

Les entreprises privées qui avaient des visées sur le secteur énergétique mexicain ne se sentent plus les bienvenues. Des recours sont envisagés par certaines d’entre elles qui ont des projets en cours.

Des exemples de ce changement de cap : le président mexicain veut accroître la production de Pemex, la compagnie de pétrole nationale, mais il ne veut pas l’exporter. Il veut garder le pétrole au pays, où son prix est subventionné.

Le président ne fait pas confiance aux entreprises privées qui s’étaient montrées disposées à investir dans les énergies renouvelables. Mais Hydro-Québec, une société d’État, avait trouvé grâce à ses yeux. Dans une vidéo publiée sur YouTube en 2019, il avait vanté de façon gênante l’entreprise québécoise qui voulait participer à la modernisation du réseau électrique mexicain. Le partenariat était annoncé, mais il n’a pas eu de suites.

Lisez l’article « Hydro-Québec se rapproche d’une entente majeure au Mexique »

Lente reprise

L’économie mexicaine, pendant ce temps, a perdu des plumes. Le pays est un des rares à n’avoir apporté aucun soutien financier aux entreprises et aux travailleurs touchés par la pandémie. Les pertes, en faillites et en emplois, sont importantes. Aucune restriction n’a été imposée non plus aux voyageurs, et le pays a un des plus lourds bilans au monde pour le nombre de morts de la COVID-19 par million d’habitants.

Alors que l’économie a rebondi de belle façon au Canada et aux États-Unis, la reprise est plus lente au Mexique, et les prévisions de croissance pour 2022 viennent d’être revues à la baisse par le ministère des Finances. Les chiffres du gouvernement indiquent aussi que le niveau des investissements est inférieur de 15 % à ce qu’il était en 2018.

Malgré tout, le peuple mexicain est toujours derrière AMLO. La gestion désastreuse de la pandémie, la violence croissante et l’économie stagnante, rien n’y fait, le président a encore la cote, à croire le résultat du référendum tenu le 10 avril dernier.

Sans qu’il y soit obligé, à deux ans de la fin de son mandat, cet étrange président a demandé officiellement aux électeurs s’il devait rester ou partir. Le taux de participation a été faible, mais 90 % de ceux qui ont voté ont dit à AMLO de rester.

« Que personne n’oublie que c’est le peuple qui commande », avait-il lancé le jour du vote. À vérifier dans deux ans, pour savoir ce que le peuple commandera à l’élection.

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  • 130,1 millions
    Population du Mexique
    Source : FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL