Pourquoi ? Comment ? Et nous, là-dedans ? La question s’est peut-être déjà posée chez vous. Sinon, ça ne saurait sans doute tarder. Quelques pistes pour répondre à vos enfants de manière éclairée et, surtout, en toute simplicité.

Conflit, guerre, invasion ?

La guerre en Ukraine est sur tous les écrans. Dans toutes les pensées. Dur d’y échapper. Dur, aussi, de ne pas en parler. Seulement voilà : on dit quoi ? On répond quoi quand certaines réalités ou nuances nous échappent peut-être à nous-mêmes ? « La première chose qu’il faut faire, c’est d’éviter de parler d’un conflit. Parce que ça n’est pas un conflit entre deux pays, c’est une invasion : la Russie a envahi l’Ukraine », résume et vulgarise Maria Popova, professeure au département de science politique de l’Université McGill, elle-même mère de trois enfants (de 5 à 16 ans).

Cela fait 20 ans qu’elle étudie la région.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Maria Popova, professeure au département de science politique de l’Université McGill

D’une certaine façon, c’est une guerre très simple à expliquer. Beaucoup plus simple à expliquer que d’autres guerres. Parce que c’est tout blanc et tout noir.

Maria Popova, professeure au département de science politique de l’Université McGill

La professeure, titulaire de la Chaire Jean Monnet, d’ordinaire très « nuancée », est catégorique : « Il n’y a pas de nuance ici. » Il s’agit d’une invasion, donc, de la part d’un pays, la Russie, convaincue que sa voisine, l’Ukraine, est une dictature « nazie ». « Mais nous, en Occident, nous savons que c’est faux : l’Ukraine est une démocratie, avec un gouvernement élu légitimement en 2019, avec 70 % des votes. » La clé, insiste la chercheuse : « C’est vraiment une invasion d’un pays par un autre. »

Le Canada ira-t-il en guerre ?

Et nous, là-dedans ? Est-ce qu’on va aller en guerre aussi ? « Non », dit la professeure et pédagogue, qui a dû répondre à toutes ces questions chez elle. « Le Canada ne va pas aller en guerre, mais le pays peut aider l’Ukraine. » Comment ? Non pas en combattant, mais en envoyant de l’aide humanitaire, de l’équipement, ou peut-être des armes. « Mais pas en se battant, insiste-t-elle. Le Canada n’entrera pas en Ukraine. Ni l’OTAN non plus. » L’OTAN ? C’est quoi, déjà, l’OTAN ? En clair, « c’est un groupe de pays démocratiques d’Amérique du Nord et d’Europe qui se sont promis de se protéger entre eux. Si l’un des pays est attaqué, tous les autres vont l’aider ». Mais attention, poursuit-elle : « L’Ukraine n’est pas membre de l’OTAN. Mais comme l’OTAN voit que l’Ukraine n’est pas dans le tort, l’OTAN va aider l’Ukraine, mais pas se battre. »

Est-ce que ça pourrait devenir une Troisième Guerre mondiale ?

Grande (et effrayante) question que voilà. « On n’est pas là encore, répond tout simplement Maria Popova. Oui, toutes les guerres ont ce potentiel, mais on n’est pas encore là. » Elle croit aussi qu’il est important de rappeler que d’autres conflits (la guerre en Syrie, notamment) auraient pu se mondialiser, mais qu’une telle escalade ne s’est pas concrétisée.

PHOTO ANATOLII STEPANOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des soldats ukrainiens se dirigent à bord de chars d’assaut vers la ligne de front dans la région de Lougansk, dans l’est de l’Ukraine.

Pour rassurer ses enfants, elle insiste sur l’importance de rappeler la chance que nous avons ici de vivre dans une démocratie. « Cela donne un certain recul, dit-elle. En plus, nous sommes loin et pas directement impliqués. Et nous allons le rester. » Ce qui ne veut pas dire que nous ne pouvons pas signifier notre appui aux Ukrainiens, conclut-elle. « Nous n’avons rien à craindre, mais nous avons l’obligation morale d’essayer d’aider les Ukrainiens. » Comment ? En envoyant de l’aide humanitaire, en manifestant notre appui, pourquoi pas (pour les enfants plus vieux), en exigeant du Canada qu’il impose des sanctions plus sévères à la Russie. Et puis, enfin, toujours, en rappelant « clairement » les faits : « C’est une invasion. »

L’avis de la psy

Comme dans le cas de tous les conflits, catastrophes, pandémies (!), la psychologue clinicienne Florence Marcil-Denault rappelle aux parents leur devoir premier, à savoir : « protéger [des informations et des désinformations], rassurer et, surtout, écouter et encore écouter ». Notamment avec les plus jeunes (moins de 10-11 ans, chez qui le cerveau n’est pas encore capable d’abstraction), « les parents ont cette tâche de digérer tout ce qui est agressant, apeurant, difficile à comprendre », dit-elle, en soulignant au passage que cette guerre tombe bien mal, alors qu’on est tous, et collectivement, « fragilisés ». Vous êtes à cran, stressé par l’actualité ? « Vos enfants vont le sentir… », met-elle en garde. Ensuite, poursuit-elle, adaptez vos réponses selon les âges : en tenant les tout-petits (moins de 5 ans) le plus loin possible des actualités, en répondant aux questions (si, et seulement si, questions il y a) des enfants d’âge scolaire, et en ouvrant la porte à la discussion avec vos ados. Pour ce faire, informez-vous : « On a le devoir d’être informé. » Quand vous ne savez pas : dites-le. Et trouvez des réponses (auprès de sources fiables, il va sans dire). Et si vos enfants (et ados) ont la tête ailleurs, tant mieux pour eux. Vraiment : « En ce moment, je ne crois pas que ce soit une priorité d’accabler nos enfants ou nos ados s’ils n’ont pas la tête à ça… », conclut-elle.