Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais après seulement une semaine, je suis encore plus mêlé qu’avant.

Durant des siècles, c’était simple, suivre une campagne électorale au Québec. Il y avait deux partis : les rouges et les bleus. Les rouges, c’était le Parti libéral et les bleus, c’était, tour à tour, le Parti conservateur, l’Union nationale et le Parti québécois. On n’avait pas de mal à s’y retrouver. Durant des décennies, le ciel était bleu, l’enfer était rouge, puis après, les rouges, c’était les fédéralistes, et les bleus, les séparatistes. Pour savoir de quel côté tu étais, tu avais juste une question à te poser, selon ta réponse au Oui versus Non, tu savais pour qui voter.

Mais en 2022, on est rendus à cinq partis. Cinq ! Quand, durant des années, tu es habitué à faire quelque chose à deux, puis, tout d’un coup, tu es pris à le faire à cinq, méchant bordel ! Tu ne sais plus trop où donner de la tête et du reste.

Fini le temps des deux couleurs. On est rendus avec une charte Sico : rouge, orange et trois nuances de bleu.

Il n’y a pas assez de poteaux au Québec pour toutes les pancartes à accrocher. Quand on sort de chez soi, on est tellement entouré de grosses faces que c’en est gênant.

Aux bulletins de nouvelles, ça ne finit plus ! D’abord le résumé de la journée du chef de la CAQ, puis le résumé de la journée de la cheffe du Parti libéral, puis le résumé de la journée du chef parlementaire de Québec solidaire, suivi du résumé de la journée du chef du Parti québécois et, enfin, le résumé de la journée du chef du Parti conservateur du Québec. C’est tellement long que ça nous prendrait un résumé des résumés. Ce n’est plus un bulletin de nouvelles, c’est une série Netflix !

Tous les jours, les uns après les autres, ils nous lancent des dizaines et des dizaines de propositions qu’on est censés computer comme si on était un fichier Excel sur deux pattes. On a une vie ! On n’a pas juste ça à faire, assimiler des programmes politiques.

Juste pour s’y retrouver avec les baisses d’impôt, il faut un GPS. Attendu que la CAQ promet de baisser les taux des deux premiers paliers d’imposition de 1 % à court terme et de les réduire de 2,5 % sur 10 ans, que le PLQ, lui, les baisse de 1,5 % pour les deux premiers paliers, immédiatement, que le PCQ, pour sa part, baisse les deux premiers paliers de 2 %, en faisant passer le montant personnel de 16 143 $ à 20 000 $, que le PQ ne baisse pas l’impôt, mais nous envoie un chèque de 1200 $, et que le QS promet un congé de taxes sur des milliers de produits, dites-nous, à quelle solution économique adhérez-vous ? Euh… Pouvez-vous répéter la question ?

Trop de choix, c’est comme pas assez.

Avant, quand tu allais au marché et que tu demandais une tomate, on te donnait une tomate. Maintenant, on te demande : « Voulez-vous une tomate cœur de bœuf au goût doux, une tomate cerise au goût acidulé, une tomate Green Zebra au goût citronné, une tomate cornue des Andes au goût sucré ou une tomate Purple Calabash au goût parfumé ? » Je veux juste une tomate au goût de tomate ! ! ! !

J’ai hâte de voir le débat ! Un débat à cinq, ce n’est pas un débat, c’est une partouze. Quand ils vont se mettre à s’interrompre, ça va ressembler au bon vieux 110 %. Qui sera Jean Perron ? Et le Face à face de TVA va devenir le Face à face à face à face à face. Déjà, à deux, c’est à peine s’ils avaient le temps d’énoncer leur point de vue, imaginez à cinq.

En passant, un conseil pour les cinq chefs : arrêtez de parler contre les autres. On n’arrive pas à suivre ce que vous reprochez à chacun de vous. Ce n’est plus une campagne électorale, c’est OD.

Au moins à Occupation double, ils font des alliances, tandis qu’à Occupation quintuple, pas de chance que Dominique parte avec Éric et que Gabriel frenche François. La bisbille, ça tue le message. On ne parle que de ça. Servez-vous de votre temps d’antenne pour dire du bien de vous, parce que ce ne sont pas les autres qui vont le faire.

Ils sont cinq et on doit faire avec. Il y a quand même des avantages. L’éventail est plus grand. C’est comme dans un boys band, on a plus de chances de trouver un membre auquel s’identifier. C’est même beaucoup mieux qu’un boys band, parce qu’au moins, il y a une femme.

Quand les élections seront passées, on peut rêver que ces cinq-là, à l’Assemblée nationale, additionnent leurs forces, plutôt que s’entre-déchirer. Chacun représente un pourcentage de la population qu’il importe d’impliquer dans le grand projet du vivre ensemble.

Ils étaient une fois cinq, eux aussi, et ils l’ont réussi, chanter Gens du pays, en harmonie.