Le président Donald Trump a réitéré jeudi soir ses attaques envers le système électoral qui contribue selon lui à « créer une illusion de momentum » pour son opposant démocrate, Joe Biden. Plus tôt, ce dernier a appelé les Américains à rester calmes, alors que le contexte politique demeure pour le moins instable aux États-Unis.

« Si vous comptez les votes légaux, je gagne facilement. Si vous comptez les votes illégaux, ils peuvent essayer de voler cette élection », a martelé M. Trump, lors d’une mêlée de presse jeudi soir, lors de laquelle il s’en est pris aux nombreuses « tentatives de fraude » qui tendent selon lui à le défavoriser.

La plupart, sinon la totalité des allégations de M. Trump n’était toutefois appuyées sur aucun fait avéré. Il a également accusé les démocrates de « vouloir trouver les votes dont ils ont besoin » actuellement, sans qu’il ne soit possible, dit-il, « de déployer des observateurs sur le terrain ». « Il n’y a pas eu de vague bleue comme ils avaient prédit. À la place, on a eu une grosse vague rouge », a aussi lancé le président sortant, qui a toutefois refusé de répondre aux questions des journalistes présents sur place, après son allocution.

Au passage, M. Trump s’est aussi targué d’être parvenu à conserver le Sénat, en dépit du fait que les sièges républicains étaient plus nombreux, à savoir 23, contre 12 pour les démocrates.

En après-midi, Joe Biden avait de son côté appelé la population à « rester calme », en assurant n’avoir « aucun doute » d’être déclaré vainqueur de l’élection présidentielle. « Aux États-Unis, le scrutin est sacré, c’est comme ça que les Américains expriment leur voix », a-t-il lancé, avant d’ajouter que « chaque bulletin doit être compté ».

Son discours faisait échos aux demandes du camp de Donald Trump de cesser le dépouillement et à ses procédures judiciaires lancées dans des États contestés.

Les experts, eux, estiment en grande majorité que les délais dans le dévoilement du résultat ne sont pas symptomatiques d’une fraude, mais plutôt de l’engouement pour le vote par correspondance et le vote par anticipation en pleine pandémie.

En fin d’après-midi, les résultats restaient trop serrés dans quatre États pivots pour que la plupart des médias se risquent à projeter une victoire de l’un ou l’autre des candidats de l’élection présidentielle américaine. Les contestations judiciaires s’accumulaient, mais des juges de la Géorgie et du Michigan ont rejeté dans la journée des poursuites du clan Trump. Un juge fédéral a aussi ordonné au service postal de traiter les envois postaux deux fois par jour pour acheminer rapidement les bulletins de vote restants.

Poste

Les bulletins de vote par correspondance doivent avoir été envoyés au plus tard la journée de l’élection, mais certains États acceptent de les recevoir jusqu’à plusieurs jours après le jour du scrutin. Jeudi, des centres de dépouillement n’avaient vraisemblablement pas reçu l’ensemble de ces votes. Un juge fédéral de Washington a donc ordonné au service postal de faire le tri deux fois par jour dans les centres des États où la loi permettait une réception de bulletins après la date de l’élection.

Contestations

La campagne Trump s’est engagée dans une vague de procédures judiciaires pour essayer d’améliorer les chances du président républicain et jeter le doute sur les résultats des élections, demandant un recomptage au Wisconsin et intentant des poursuites au Nevada, en Pennsylvanie, au Michigan et en Géorgie.

Pennsylvanie

Même si des tonnes de bulletins de vote ont déjà été comptées en Pennsylvanie, il n’était toujours pas possible jeudi, en soirée, de prononcer un vainqueur entre Donald Trump et Joe Biden dans cet État qui pourrait faire basculer le résultat de l’élection présidentielle. « Nous arrivons dans la dernière ligne droite. Des centaines de milliers de bulletins de vote ont été comptés jusqu’ici. On est en très bonne forme, mais il y en a encore à compter », a expliqué la secrétaire d’État de la Pennsylvanie, Kathy Boockvar.

Selon elle, les longs délais d’attente pourraient entre autres s’expliquer par le fait que les deux candidats sont au coude-à-coude. « C’est très proche. Ça signifie qu’il faudra plus de temps pour voir qui est le gagnant », a notamment soutenu Mme Boockvar. Sans s’avancer sur la fin du dépouillement des bulletins de vote, l’Américaine a reconnu que ses équipes arriveront très prochainement à un résultat.

Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour m’assurer que chaque électeur, chaque parti et chaque candidat ait accès à une élection libre.

Kathy Boockvar, secrétaire d’État de la Pennsylvanie

En début d’après-midi, environ 92 % des votes avaient été comptabilisés dans cet État industriel de la « ceinture de la rouille » du Nord-Est, où les deux candidats ont âprement fait campagne. En soirée, le président sortant Donald Trump était toujours en tête, mais seulement d’environ 26 000 voix, une avance qui se réduisait au fur et à mesure que l’on arrivait de la fin du dépouillement. Joe Biden serait assuré d’être déclaré vainqueur si son État natal (20 grands électeurs) votait pour lui. S’il l’emportait, Donald Trump resterait dans la course, mais ne pourrait pas encore proclamer victoire.

Michigan

Joe Biden a été donné vainqueur au Michigan, avec 50,59 % des voix contre 47,88 % pour Donald Trump. Celui-ci a déposé une poursuite concernant le traitement des votes par correspondance. La juge Cynthia Stephens l’a toutefois rejeté jeudi, en notant que la poursuite visait la secrétaire d’État, qui n’est pas responsable de cette logistique pour le dépouillement.

Géorgie

En Géorgie, une poursuite judiciaire visait des bulletins qui seraient arrivés après la fermeture des bureaux de vote. La Cour a rejeté le recours du clan républicain après que deux témoins aient admis ne pas savoir si les bulletins en litige avaient été reçus à temps. Donald Trump a affirmé avoir remporté la Géorgie, mais il est toujours trop tôt pour déterminer un vainqueur. Il reste notamment des bulletins de vote de la région densément peuplée d’Atlanta, où l’on prévoit un pourcentage élevé de voix en faveur des démocrates qui ont été plus nombreux à voter par la poste. Jeudi matin, Donald Trump menait dans cet État par un écart de 18 098 voix et un peu de 60 000 votes restent à être comptés. En pourcentage, un peu avant 16 h, Donald Trump menait avec 49,6 % des voix, suivi de près par Joe Biden avec 49,2 %. La question dans cet État est donc de voir si Biden saura rattraper avec les 60 000 votes restants son retard de quelque 18 000 voix. En Géorgie, l’enjeu est de 16 grands électeurs.

Nevada

Pour l’instant, le candidat démocrate Joe Biden mène au Nevada, un État remporté par Hillary Clinton en 2016. Selon le New York Times, Joe Biden continuait de creuser l’écart, même si la marge restait mince : en début d’après-midi jeudi, avec 88 % des votes dépouillés, il obtenait 49,4 %, contre 45,5 % pour Donald Trump. Dans cet État, les bulletins de vote peuvent être acceptés après la date du scrutin s’ils ont été envoyés la date de l’élection ou avant, avec un cachet de la poste qui le prouve, jusqu’au 12 novembre. Cet État compte six grands électeurs. L’officier responsable du vote pour le comté de Clark, dans lequel se trouve Las Vegas, a donné une conférence de presse à 10 h, heure locale (13 h heure de Montréal), en disant que le but n’était pas de compter les votes au plus vite, mais de le faire correctement ; il estime que le comté pourrait avoir terminé le dépouillement seulement samedi ou dimanche. Questionné sur la sécurité, il s’est dit « préoccupé » pour son personnel. Mercredi, lui-même a été pris à partie par un homme qui a crié au vol de l’élection.

Caroline du Nord

Donald Trump a aussi annoncé sa victoire dans cet État, mercredi matin, mais la marge reste plus petite que le nombre de votes restant à compter. Jeudi après-midi, il menait par 76 700 voix. En Caroline du Nord, les responsables électoraux ont jusqu’au 12 novembre pour les compter. Comme il s’agit de votes par correspondance, souvent en faveur des démocrates, le vent pourrait tourner dans cet État de 15 grands électeurs.

Pourquoi l’annonce d’un vainqueur en Arizona ?

Différents médias ont annoncé mercredi la victoire de Joe Biden en Arizona, même s’il restait environ 20 % des voix à dépouiller dans cet État qui a voté pour Donald Trump en 2016. Pourquoi ? Parce que l’écart entre les deux candidats ne peut pas être rattrapé, selon l’Associated Press, d’où La Presse tire ses résultats. Lorsque l’agence a déclaré Joe Biden vainqueur, à 14 h 50 mercredi, quelque 80 % des voix avaient été comptabilisées. Joe Biden menait par 5 points de pourcentage et les bulletins restant à dépouiller se trouvent dans un comté où on s’attend à un nombre élevé de votes en faveur du démocrate. D’autres médias, comme CNN, jouent de prudence et n’avaient pas encore prédit une victoire jeudi matin. L’Arizona est un État républicain, mais c’est aussi l’État de l’ancien sénateur John McCain, mort en 2018. Joe Biden le considérait comme un ami et sa veuve, bien que républicaine, a donné son appui au candidat démocrate. Un changement démographique, avec une population plus importante de Latino-Américains démocrates, pourrait aussi expliquer cette victoire. Des partisans de Donald Trump en colère ont convergé vers les bureaux de décompte des votes. Cet État compte 11 grands électeurs.

Et l’Alaska ?

Donald Trump jouit d’une avance marquée en Alaska, État républicain comptant trois grands électeurs : jeudi matin, il avait reçu 62,11 % des voix, contre 33,61 % pour Joe Biden. Pourtant, aucun vainqueur n’a été déclaré dans cet État. C’est que seulement la moitié des bulletins avaient été dépouillés. Selon le New York Times, au moins 122 233 votes par anticipation ou par correspondance ne seront pas comptabilisés avant la semaine prochaine, ce qui pourrait favoriser Joe Biden. On s’attend aussi à ce que des bulletins continuent d’arriver par la poste. La date-butoir dans cet État est le 18 novembre. Le bulletin de vote par la poste doit porter le cachet de la poste pour prouver qu’il a été envoyé au plus tard la journée de l’élection.

– Avec Associated Press, Agence France-Presse et Louise Leduc, La Presse