(Québec) Le projet de troisième lien autoroutier entre Québec et Lévis n’est plus. En raison d’une baisse de la circulation sur les ponts, mais aussi pour une question de coûts, le gouvernement Legault renonce à sa promesse électorale. Il préconise maintenant un tunnel réservé au transport collectif entre les deux rives.

La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, en fera l’annonce jeudi, tout en dévoilant les études attendues sur l’achalandage.

Les conclusions sont claires : avec la pandémie et l’essor du télétravail, la circulation a diminué aux heures de pointe et les habitudes de déplacement ont changé. Dans ce contexte, il n’est tout simplement plus justifié d’ajouter un lien autoroutier, a expliqué le gouvernement mardi.

La Coalition avenir Québec (CAQ) abandonne ainsi sa promesse qu’elle défendait bec et ongles en campagne électorale. Bernard Drainville disait même que l’attente était devenue « infernale » sur les deux ponts. Le gouvernement justifiait également son troisième lien en disant que ces deux infrastructures étaient vieillissantes. Malgré l’absence d’études pour appuyer son projet de tunnel, le premier ministre François Legault disait que c’était « une évidence » qu’un troisième lien était nécessaire compte tenu du développement des deux villes et de l’achalandage routier dans la région.

Il soutenait que son projet coûterait un « maximum » de 6,5 milliards de dollars, mais il y a toujours eu bien des doutes en raison de l’augmentation du coût des projets d’infrastructures. La facture estimée pour reconstruire le pont de l’Île-aux-Tourtes, entre Senneville et Vaudreuil, vient d’exploser de 65 %. À Québec, on convient que les coûts anticipés d’un tunnel autoroutier ont contribué à l’abandon du projet.

« De centre-ville à centre-ville »

Le projet de troisième lien autoroutier battait de l’aile depuis quelques semaines. Les propos des différents représentants du gouvernement laissaient croire à son abandon. C’est le 22 mars, au lendemain du budget, que François Legault a envoyé le signal d’un recul prochain. Ce projet de troisième lien, est-ce chose promise, chose due, au même titre que la baisse d’impôt ? lui a-t-on demandé lors d’un point de presse. « Écoutez, on va regarder l’étude d’achalandage, puis on va vous revenir avec des données. »

Par la suite, le scénario qui a circulé au sujet de la construction de deux tunnels, l’un pour les automobiles et l’autre pour les autobus ou un métro-tramway, ouvrait la voie à un changement d’orientation.

La CAQ a ainsi l’intention de construire un seul tube sous le fleuve, réservé au transport collectif, « de centre-ville à centre-ville », a expliqué une source sûre mardi après-midi, alors que cette décision était d’abord rapportée par Le Journal de Québec. On ignore le mode retenu (autobus, tramway ou métro). Idem pour le coût.

Un tel projet a plus de chances d’obtenir un financement du gouvernement fédéral, une donnée importante dans ce dossier. Ottawa martèle depuis des mois qu’il ne donne plus d’argent pour de nouvelles autoroutes, mais que des fonds sont disponibles pour le développement du transport collectif.

Le gouvernement Legault a annoncé sa décision aux maires de Québec et de Lévis, Bruno Marchand et Gilles Lehouillier. Le premier l’aurait très bien accueillie, dit-on. Son opposition à un projet autoroutier qui augmenterait la circulation à proximité du centre-ville est connue. Il montrait récemment un penchant favorable à un tunnel réservé au transport collectif. À Lévis, on ne sautait pas de joie, résume-t-on au gouvernement, tout en disant que la réaction paraissait gérable. Les deux maires n’ont pas voulu faire de commentaires mardi.

Promis depuis des années

Le projet de troisième lien autoroutier était porté par la CAQ depuis près de 10 ans. François Legault avait promis une étude de faisabilité dès les élections de 2014. Il avait fait du projet une promesse ferme lors du scrutin suivant. Mais contrairement à son engagement de 2018, il n’a pas procédé à la mise en chantier dans son premier mandat. Lors des dernières élections, l’automne dernier, il assurait que les travaux allaient s’accélérer, tout en s’engageant à dévoiler des études en début d’année. Il faisait même miroiter un chantier plus imposant encore, avec des travaux pour réaménager les autoroutes Laurentienne et Dufferin-Montmorency.

Il y a un an quasiment jour pour jour, le gouvernement Legault présentait la deuxième mouture de son projet, composée de deux tubes comptant quatre voies au total et au coût de 6,5 milliards. Des voies étaient réservées aux autobus aux heures de pointe seulement. Cette version du projet remplaçait la première dévoilée en mai 2021 : un seul tube composé de deux niveaux avec six voies au total – trois voies dans chaque direction. Pour construire cette infrastructure d’un diamètre de près de 20 mètres, il aurait fallu utiliser un énorme tunnelier, le plus gros jamais vu jusqu’ici sur la planète. L’aspect pharaonique de l’ouvrage avait valu bien des critiques au gouvernement.

Le débit de circulation a chuté de façon importante durant la pandémie et tarde à se rétablir sur le pont Pierre-Laporte. En 2022, le ministère des Transports a compté 107 000 véhicules en moyenne par jour qui ont traversé le pont. C’est 15 % de moins que le débit observé avant la pandémie. La circulation a ainsi reculé au niveau de 1996, soit il y a plus de 25 ans.

Après avoir chuté en 2020 et 2021, le débit de circulation du pont de Québec est revenu pour sa part au niveau prépandémique. Le lien n’accueille toutefois qu’une fraction de la circulation du pont Pierre-Laporte. En effet, les 31 000 véhicules l’empruntant en moyenne chaque jour ne représentent que le quart du débit de son voisin.

Réactions

Ça fait cinq ans que la CAQ niaise les gens de Québec. Aujourd’hui, on voit ce que vaut réellement la parole de François Legault. Avec ce gouvernement caquiste, on a perdu cinq ans pour régler le problème de mobilité dans la Capitale-Nationale.

Marc Tanguay, chef intérimaire du Parti libéral du Québec

Quelle belle victoire citoyenne ! Le gros bon sens et la science auront finalement eu raison de l’entêtement partisan de la CAQ. Nous étudierons le projet de transports en commun du gouvernement.

Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire de Québec solidaire

Nous sommes très heureux de cette nouvelle et nous félicitons la CAQ d’avoir reculé sur le volet voiture. Cette proposition est désormais très similaire à celle du PQ en campagne. Nous allons donc collaborer à sa réalisation. Québec le mérite !

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

La CAQ trahit la confiance des gens de Québec. François Legault choisit les chroniqueurs de Montréal plutôt que les électeurs de Québec. Élus sur des mensonges, combien de députés caquistes de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches vont maintenant quitter le caucus ?

Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec

C’est non seulement une bonne décision, mais surtout une grande victoire pour la mobilisation de la population, des organismes, des expertes et de tous les membres de la société civile qui ont fait valoir à travers les années les impacts désastreux qu’aurait eus ce projet.

Coalition Non au troisième lien

Je salue le leadership de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, qui fera du troisième lien un axe de transport collectif. C’était la bonne décision à prendre à la lumière des analyses des experts.

Valérie Plante, mairesse de Montréal