« Un geste extrême parce que la situation est extrême. » C’est par cette formule que François Legault a annoncé le retour du couvre-feu au Québec, l’un des seuls endroits à mettre une telle mesure en vigueur.

Il faut « sauver notre réseau et sauver des vies », a affirmé M. Legault pour justifier le nouveau couvre-feu, qui sera en vigueur de 22 h à 5 h dès ce vendredi. Le premier ministre a aussi annoncé jeudi le report du retour en classe au 17 janvier, la fermeture des salles de restaurant ainsi que l’interdiction des rassemblements privés.

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Le nombre de personnes hospitalisées a doublé en une semaine, passant de 473 à 939 personnes, en plus du record des « 16 000 cas [recensés] aujourd’hui », a soutenu M. Legault. Malgré les chiffres sous-estimés en raison des tests rapides, la situation « est la pire » des 22 mois de pandémie, a affirmé le premier ministre.

Pour freiner la propagation du variant Omicron, les policiers imposeront des amendes de 1000 $ à 6000 $ aux contrevenants dès ce vendredi soir. Même si « la grande majorité » des citoyens respectent les règles sanitaires, l’imposition du couvre-feu uniquement aux personnes non vaccinées serait difficile à appliquer pour les policiers, a expliqué le premier ministre. Lorsque la situation s’améliorera, a-t-il promis, « le premier assouplissement » sera la levée du couvre-feu. Il s’est toutefois gardé d’avancer une date.

« C’est nécessaire d’aller là pour s’assurer qu’on arrête les contacts », a fait valoir M. Legault. Le risque de dépasser la capacité des hôpitaux avec davantage d’hospitalisations mènerait « éventuellement à ne plus être capable de soigner » tous les Québécois, a-t-il prévenu.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Le ministre de la Santé, Christian Dubé

À une question sur le lien entre le couvre-feu et la réduction du nombre de cas, M. Legault a répondu qu’il était difficile d’isoler une mesure pour en connaître l’impact.

On a des indications que c’est utile. La situation est tellement grave qu’on ne peut pas se permettre de ne pas ajouter [le couvre-feu] dans notre coffre à outils.

François Legault, premier ministre du Québec

Le 9 janvier dernier, un couvre-feu avait été instauré de 20 h à 5 h, en raison de la situation pandémique. La mesure, qui devait durer un mois, avait finalement été levée le 28 mai.

« On va tout faire pour rouvrir les écoles »

Afin de « donner un grand coup » à partir de ce vendredi, le retour en classe des écoles primaires, secondaires ainsi que des cégeps et universités est reporté au 17 janvier. « On va tout faire pour rouvrir les écoles » à cette date, a assuré François Legault. Selon les calendriers scolaires, les cours se poursuivront à distance d’ici la rentrée en personne. Le 20 décembre, le gouvernement avait annoncé la fermeture des écoles primaires et secondaires jusqu’au 10 janvier.

Les écoles sont des endroits où le risque d’éclosion « est plus grand », a souligné François Legault. Les services de garde en milieu scolaire demeurent ouverts pour les enfants de travailleurs essentiels.

Parmi les autres mesures annoncées, les rassemblements privés seront désormais interdits, à l’exception des personnes seules qui pourront se greffer – avec leurs enfants, s’il y a lieu – à une autre bulle. La visite d’un proche aidant sera aussi permise. À l’extérieur, un maximum de 250 personnes pourront toujours se rassembler lors d’évènements publics et jusqu’à 20 personnes lors de rassemblements privés.

À l’intérieur, les activités sportives intérieures ne seront plus permises, à moins d’être pratiquées par une personne seule, une paire ou les occupants d’une même résidence. Même scénario dans les lieux de culte, à l’exception des funérailles, auxquelles 25 personnes pourront assister. Les restaurants devront aussi fermer leur salle à manger, mais pourront préparer des commandes à emporter. Le gouvernement impose de nouveau la fermeture des commerces le dimanche, à l’exception des dépanneurs, des stations-service et des pharmacies.

Le passeport vaccinal pourrait être exigé dans davantage de commerces, a avancé M. Legault. « C’est important qu’on fasse un effort pour donner certains avantages aux vaccinés, a-t-il souligné. C’est une question d’équité. »

« Toutes les chances de notre côté »

Selon les experts interrogés par La Presse, toutes les mesures doivent être mises en place pour freiner la flambée des cas.

« Étant donné l’ampleur du problème, je pense qu’il faut mettre toutes les chances de notre côté, et le couvre-feu fait partie de ça », affirme la Dre Maryse Guay, médecin-conseil à la Direction de santé publique et à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). « Les modèles de l’INESSS, de l’INSPQ montrent qu’on est dans une situation vraiment catastrophique. Et actuellement, on n’a pas l’impact sur les hospitalisations des cas » actuels, souligne Mme Guay.

Il faut donner « un grand coup », estime lui aussi Alain Lamarre, professeur-chercheur spécialisé en immunologie et virologie de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).

On est déjà rendus à un niveau d’hospitalisation sans précédent […]. On ne peut pas se permettre que ça augmente de 100 [hospitalisations] par jour.

Alain Lamarre, professeur-chercheur spécialisé en immunologie et virologie de l’INRS

Toutefois, il n’existe pas de lien de cause à effet clair entre l’implantation d’un couvre-feu et la diminution des cas de COVID-19, selon Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. ​​ « C’est très difficile d’isoler l’effet du couvre-feu dans les mesures sanitaires, parce que tous les pays qui ont mis en place le couvre-feu ont mis en place d’autres mesures », comme la fermeture des bars et des école, explique-t-elle.

Mais cette mesure a « probablement un effet sur la baisse des cas et des hospitalisations », en limitant les déplacements et en décourageant la tenue de rassemblements privés à l’intérieur, évoque Mme Borgès Da Silva.

« Contraintes » pour les non-vaccinés

M. Legault a dit « comprendre la colère » des gens à l’égard des adultes non vaccinés qui représentent 10 % de la population, mais 50 % des hospitalisations.

Certaines personnes suggèrent qu’on arrête de soigner les personnes non vaccinées. Mais ce n’est pas le genre de société qu’on veut.

François Legault, premier ministre du Québec

Pour Maryse Guay, tenter de convaincre les non-vaccinés de recevoir leur injection est « éthiquement très sensible ». « Il faut vraiment mettre des mesures en place pour qu’il y ait des avantages reliés à la vaccination, et que ce soit reconnu au niveau de notre société », estime-t-elle. « La liberté de choisir de ne pas être vacciné doit être assortie de la liberté d’accepter les contraintes qui vont avec », ajoute la médecin.

De « bonnes décisions »

Critiqué vivement à propos de la gestion de la pandémie, le DHoracio Arruda est toujours la bonne personne pour occuper le rôle de directeur national de santé publique, a dit fermement François Legault.

« Il y a beaucoup d’incertitudes, mais on a pris de bonnes décisions depuis 22 mois, a-t-il ajouté. Il n’y a rien de noir ou blanc. »

M. Legault a d’ailleurs soutenu que le Québec était « à l’avant de la parade », citant l’exemple de nombreux États ayant adopté les mêmes mesures quelques semaines plus tard.

Les nouvelles mesures

  • Le couvre-feu sera en vigueur de 22 h à 5 h. Des amendes pouvant atteindre 6000 $ seront imposées aux contrevenants.
  • Les rassemblements privés à l’intérieur seront interdits, à l’exception des personnes seules, qui pourront se joindre – avec leurs enfants, s’il y a lieu – à une bulle, et celles dont l’état requiert la visite d’un proche aidant.
  • Les rassemblements extérieurs privés sont autorisés, à condition de ne pas dépasser 20 personnes.
  • Les rassemblements extérieurs publics sont permis avec une limite de 250 personnes.
  • Le retour en classe du primaire jusqu’à l’université est reporté au 17 janvier et l’enseignement se fera à distance jusqu’à cette date.
  • Les lieux de culte seront fermés, sauf pour des funérailles avec un maximum de 25 personnes.
  • Les restaurants doivent fermer leurs salles à manger, mais les commandes à emporter sont toujours autorisées.
  • Les commerces seront fermés le dimanche, à l’exception des dépanneurs, des stations-service et des pharmacies.
  • Les activités sportives intérieures sont suspendues, à moins d’être pratiquées par une personne seule, deux personnes ou les occupants d’une même résidence.