Jean Lapointe a laissé derrière lui des centaines de chansons, dont plusieurs sont encore fredonnées aujourd’hui.

Méo Penché

Avant de commencer sa fructueuse carrière solo au début au milieu des années 1970, Jean Lapointe a formé avec son comparse Jérôme Lemay un populaire duo de fantaisistes. Les deux hommes, qui se produisaient dans les cabarets de la province, mêlaient brillamment humour et chanson, et Méo Penché, histoire rigolote de l’ascension d’un boxeur, est probablement leur plus emblématique. L’ex-Beau Dommage Pierre Bertrand lui avait d’ailleurs redonné vie 20 ans plus tard, et la chanson avait de nouveau connu un beau succès.

Mon oncle Edmond

Mon oncle Edmond, c’est un peu la version comique de La complainte du phoque en Alaska. La chanson, qui figure sur le premier album de Jean Lapointe paru en 1976, Démaquillé, raconte l’histoire d’un oncle qui se vante de parler anglais plus vite que tout le monde, qui part faire fortune en Ontario et qui lors de son retour 20 ans plus tard ne parle plus un mot de français. Tout est là : le talent de raconteur autant que l’humour venu de sa période des cabarets, qu’il n’a jamais perdu et qu’il transportait avec bonheur en spectacle.

La complainte à mon frère

C’est une des scènes les plus puissantes de toute l’histoire du cinéma québécois : dans le film Les ordres de Michel Brault, sorti en 1974, le personnage de Jean Lapointe, Clermont Boudreau, est emprisonné pendant la crise d’Octobre. Debout derrière les barreaux de sa cellule, il entonne La complainte à mon frère, un solennel chant de liberté qui résonne dans la prison, alors que les prisonniers l’écoutent silencieusement. Aucune autre interprétation de cette chanson n’est arrivée à la cheville de celle-ci, dont une version un peu différente a figuré sur le premier album solo de Jean Lapointe deux ans plus tard.

C’est dans les chansons

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C’est dans les chansons est le plus bel hommage qui soit à cet art dit mineur qu’est la chanson, et aussi beaucoup à ceux qui lui ont donné ses lettres de noblesse au Québec. « Du Petit bonheur jusqu’au Tour de l’île/Félix a semé, tout a commencé/Vigneault a grandi avec Mon pays/C’est en l’écoutant que les gens d’ici/Se sont reconnus, se sont retrouvés/Un cœur dans la voix de nos chansonniers. » Dans un seul couplet le passé et le présent se rencontrent, avec une limpidité que Jean Lapointe a toujours su atteindre. C’est dans les chansons figure sur son premier album en 1976, mais c’est une période très fructueuse qui s’amorce à ce moment-là pour l’auteur-compositeur-interprète, puisqu’il va sortir pas moins de sept albums en dix ans.

Chante-la ta chanson

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Aussi le titre du troisième album de Jean Lapointe sorti en 1978, Chante-le ta chanson est peut-être sa plus connue. Ritournelle d’une simplicité désarmante dont lui seul il avait le secret, elle sera un de ses plus grands succès, sacrée Classique de la SOCAN en 1995 (25 000 passages à la radio), et intronisée au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens en 2016. Jean Lapointe l’a écrite avec l’auteur-compositeur Marcel Lefebvre — « Chacun a sa mélodie/au fond de lui », c’est lui qui a eu l’idée du refrain, dit-on, en revenant du chalet avec ses enfants. La collaboration entre les deux hommes durera 40 ans, et ils écriront plus d’une centaine de chansons ensemble. C’est la voix d’Élisabeth, la fille de Jean Lapointe, qu’on entend au début de la chanson.

Si on chantait ensemble

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« Si on chantait ensemble/Des mots qui nous ressemblent/Si on chantait la vie/Et par les temps qui courent/Si on ne chantait que l’amour/Si on chantait ensemble/Des mots qui nous rassemblent/Si on chantait nos rêves/Et vu le temps qu’il fait/Si on ne chantait que la paix » Écrite en 1982, Si on chantait ensemble, qui est aussi le titre de son cinquième album, résonne 40 ans plus tard comme un hymne à la paix plus pertinent que jamais. Jean Lapointe y joue avec les mots avec finesse, mais on y retrouve surtout toute l’essence de ce qu’il a été : un amour entier pour son art, une affection infinie pour les gens, et une tendresse débordante pour le monde, parce qu’il en avait à revendre. Ce n’est pas un mince héritage.