(Québec) Le redécoupage électoral a fait couler beaucoup d’encre au Québec ces derniers mois. La proposition de la Commission de la représentation électorale (CRE) de retirer deux circonscriptions pour en ajouter deux nouvelles a provoqué beaucoup de résistance, si bien que tous les partis représentés à l’Assemblée nationale ont choisi de reporter la réforme de la carte électorale afin d’en modifier les critères de découpage.

Le ministre des Institutions démocratiques, Jean-François Roberge, n’a pas fermé la porte à augmenter le nombre de sièges au Québec. Mais cette solution est-elle viable ? La Presse Canadienne s’est penchée sur la question.

Lorsqu’il est question d’augmenter le nombre de sièges au Québec, la comparaison avec l’Ontario arrive presque instantanément. La province voisine compte un élu de moins que le Québec pour un électorat d’un peu moins du double. En Ontario, on retrouve en moyenne 86 616 électeurs par comté, alors qu’au Québec cette moyenne se situe à 50 422. Cette comparaison agace particulièrement le politologue à l’Université Laval Marc André Bodet.

« Aujourd’hui, l’Ontario est nettement sous une norme mondiale et ce n’est peut-être pas une bonne comparaison. […] Il faut arrêter de regarder l’Ontario ! » lance-t-il en entrevue.

Pas besoin de regarder bien loin pour voir que cette comparaison a ses limites. En effet, après l’Ontario, le Québec est la province canadienne avec le plus d’électeurs par circonscription.

Avec 87 élus, la Colombie-Britannique a en moyenne 40 515 électeurs par circonscription. En Alberta, qui a le même nombre de sièges que sa province voisine, un élu représente en moyenne 34 336 commettants.

Des comparaisons qui font dire à Marc André Bodet que Québec pourrait augmenter son nombre de sièges. Il évoque même le chiffre de 150 élus. « On n’est pas obligé de faire ça, mais ça nous donne une idée, ce qui serait acceptable pour obtenir des gains significatifs à la fois en termes de représentation, de diminution de la distorsion et pour trouver une solution au problème des grandes circonscriptions rurales », explique-t-il.

Selon le professeur, augmenter le nombre de sièges est une option plutôt simple – contrairement à l’instauration d’un scrutin proportionnel – et qui comporte plusieurs avantages : « Diminuer la distorsion, augmenter la représentativité de l’Assemblée, mais aussi s’assurer que les circonscriptions ne soient pas trop grandes », énumère le professeur.

Il ajoute que des circonscriptions plus petites permettent à des candidats avec moins de ressources de faire campagne tout en étant plus compétitifs. Selon lui, seulement cinq sièges supplémentaires permettraient déjà plusieurs gains intéressants.

Québec solidaire (QS) a évoqué l’idée de faire passer le nombre de sièges au Québec de 125 à 129. Le Parti québécois pense aussi qu’il faut plus de députés. Le Parti libéral (PLQ) indique, pour sa part, ne pas avoir encore de position sur le sujet.

« Le problème, ce n’est pas tant le nombre »

Le chargé de cours à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) André Lamoureux ne partage pas l’avis de son collègue sur l’augmentation des sièges. « Le problème, ce n’est pas tant le nombre, mais plutôt l’équité entre les circonscriptions », soutient-il en entrevue. Il craint que l’ajout de sièges fasse que des circonscriptions se retrouvent avec trop peu d’électeurs.

Durant les consultations, des élus ont évoqué le fait que des comtés allaient devenir si grands qu’ils auraient une superficie similaire à certains pays. Le député péquiste Pascal Bérubé a même évoqué des risques pour la sécurité à devoir sillonner un aussi grand territoire pour aller à la rencontre de ses commettants.

Un argument que n’achète pas André Lamoureux, qui rappelle que les circonscriptions fédérales sont déjà beaucoup plus grandes. 

On pourrait avoir des modalités particulières. L’Assemblée nationale pourrait octroyer plus de personnel ou un plus grand budget pour les déplacements.

André Lamoureux, chargé de cours en science politique à l’UQAM

En augmentation depuis 1867

Un constat est toutefois sans équivoque : le nombre d’électeurs par circonscription au Québec a considérablement augmenté depuis 1867. Évidemment, le contexte électoral était très différent au 19e siècle, notamment en ce qui concerne les moyens de transport et de communication.

Selon les chiffres d’Élections Québec, à cette date, les 65 élus québécois représentaient en moyenne 2487 électeurs. En 2022, le Québec possède maintenant 125 circonscriptions et elles comptent en moyenne 50 422 électeurs. Ainsi, bien que le nombre de sièges au Québec ait augmenté au fil des années, la proportion d’électeurs par circonscription a explosé.

Marc André Bodet croit qu’il est inévitable qu’on augmente le nombre d’élus au Québec. « Il y a des facteurs qui pourraient accélérer ce changement, comme une série d’élections avec une forte distorsion », dit-il

La loi actuelle prévoit que le Québec peut avoir entre 122 et 125 circonscriptions. La Commission de la représentation électorale détermine les limites des circonscriptions en se fondant sur « des considérations d’ordre démographique, géographique et sociologique, telles que la densité de la population, le taux relatif de croissance de la population, l’accessibilité, la superficie et la configuration de la région, les frontières naturelles du milieu, ainsi que les limites des municipalités ».

Moyenne d’électeurs par circonscription

Ontario : 86 616

Québec : 50 422

Colombie-Britannique : 40 515

Alberta : 34 336

Manitoba : 15 524

Nouvelle-Écosse : 13 957

Saskatchewan : 13 563

Nouveau-Brunswick : 11 827

Terre-Neuve-et-Labrador : 9300

Île-du-Prince-Édouard : 4059