Chers lecteurs, nous allons faire de notre mieux pour décrire la folie de ce derby bouillonnant. Électrique. Spectaculaire.

Commençons par mentionner que le CF Montréal l’a emporté 4-3 face au Toronto FC, au BMO Field. Une grande victoire, acquise au terme d’une irrésistible remontée de quatre buts sans riposte.

Ce Classique canadien, vous le devinez, a été à la hauteur des attentes. Et pourrait même « définir la saison » du CFM, selon Alistair Johnston.

« Elle est historique », a souligné Wilfried Nancy après le match, parlant de la victoire de son équipe. L’entraîneur-chef, qui garde toujours une certaine neutralité quand vient le temps de commenter les performances de son club, était dithyrambique dimanche.

« Quand je vois un joueur de 39 ans [Kei Kamara, qui en a 38, NDLR] qui se met à courir comme il le fait pour aider l’équipe. Et quand je vois, excusez-moi du terme, un p’tit cul comme Ismaël Koné qui rentre et se dépouille pour l’équipe. J’ai une pensée pour Jason qui nous regarde d’en haut. Mon petit Di Tullio. Parce qu’aujourd’hui, il est content et il sourit. Bravo aux gars. Bravo. »

PHOTO DAN HAMILTON, USA TODAY SPORTS

Ismaël Koné en contrôle du ballon devant Ifunanyachi Achara (99)

Pression torontoise

Déjà, tout était en place pour un duel tendu, chaud. Les fumigènes étaient allumés dès le premier coup de sifflet. D’un côté, la troupe de Wilfried Nancy et sa deuxième position dans la Conférence de l’Est. De l’autre, celle de Bob Bradley, de Federico Bernardeschi et de Lorenzo Insigne, qui ne perd plus ou presque depuis l’arrivée de ces Italiens.

Ce sont justement Bernardeschi et Insigne qui donnaient tour à tour le ton en entame de match. À la 5minute, l’ancien de la Juventus marquait sur un penalty accordé après une vérification à la reprise vidéo. Plus de deux minutes après l’action jugée fautive de Samuel Piette. Malgré les récriminations du Québécois, c’était 1-0 TFC.

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Lorenzo Insigne et Samuel Piette

La pression torontoise ne s’en faisait que plus accrue à ce moment. À la 7e, Insigne s’emparait brillamment d’un ballon dévié par Piette, encore lui, et marquait le 2-0 à la volée dans la surface.

Montréal, méconnaissable, était incapable de jouer dans les 10 premières minutes. Mais cette équipe a bien évolué depuis l’an dernier.

Ce qui aurait pu sembler une avance insurmontable il y a quelques mois à peine paraissait dimanche comme une simple colline, une petite butte à escalader. Surtout qu’il restait quand même 80 minutes à jouer.

« On croit en nous, estime Alistair Johnston. […] Avec ce qu’on a construit cette saison, même à 2-0, on ne sentait pas que ce match était hors de portée. »

« Et c’était tellement tôt dans le match, ajoute-t-il. On se disait que ce n’était que deux demi-chances. Un penalty douteux et un centre dévié. Jouons notre jeu et allons-y. »

Jogo bonito

Le CFM y est allé. Après les 10 infernales premières minutes, il imposait son jeu. Contrôlait le ballon. Et trouvait rapidement des écarts dans les lignes du TFC.

Puis la machine montréalaise se mettait en marche. À la 19e, Kamal Miller se portait à l’attaque. Le défenseur réussissait un suave une-deux avec son collègue Rudy Camacho. Le ballon tombait au pied de Kei Kamara, qui prenait un bon tir bloqué par le gardien Alex Bono. Miller, maintenant dans la surface, s’emparait du retour. À la volée. De toute beauté. Le jogo bonito du CF Montréal le faisait revenir à 2-1.

« C’était un moment spécial pour moi, s’est réjoui Miller, qui jouait devant famille et amis torontois. C’était mon premier à Toronto, même si j’ai joué souvent au BMO Field avec l’équipe nationale. »

Le Bleu-et-noir avait trouvé son élan. Et amenait avec lui un joueur qui le cherchait depuis longtemps. Djordje Mihailovic y allait d’une frappe sublime, du pied droit, de l’extérieur de la surface, entouré de trois Torontois. La puissance de son tir faisait passer le ballon à travers la main d’Alex Bono. L’Américain créait l’égalité à la 21e, avec son tout premier filet depuis le 22 mai. Sa réaction voulait tout dire.

« La frappe de Djordje, on ne voit pas ça souvent, a souligné Johnston. Il la faisait pendant l’échauffement. On lui a dit de rentrer et de la garder pour le match. Et c’est exactement ce qu’il a fait. »

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Kei Kamara (à droite) célèbre son but en première demie

Le ballon éludait les pieds des joueurs de la Ville Reine. Un fait mis en évidence par l’action sublime de Kamara à la 43e. Le vétéran allait piger dans la petite poche du défenseur Chris Mavinga, les deux fin seuls à droite. Et l’attaquant en ressortait un géant lapin. Il déjouait habilement le Torontois avant d’envoyer le cuir entre les deux jambes de Bono, qui disputait – encore – un très mauvais match.

« Une deuxième mi-temps professionnelle »

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Ayo Akinola du Toronto FC et Kamal Miller du CF Montréal

De 2-0 à 3-2. L’écart au classement entre les deux équipes – Toronto est 10e – se faisait finalement sentir sur le terrain.

Il n’y avait plus qu’une équipe qui jouait en deuxième mi-temps. Et ce n’était pas celle qui voulait divertir ses partisans. Ce qui a permis au rythme de se temporiser.

« Si j’essaie de me mettre dans leur peau, ils devaient se dire “c’est encore en train de se produire”, de noter Alistair Johnston. Et on en a pris avantage. On avait des jambes jeunes et fraîches. Alors que leur pression s’éteignait, on trouvait des espaces. »

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Ayo Akinola et Alistair Johnston

Les trous béants dans les remparts torontois permettaient à Johnston, justement, de marquer son 3e de la saison à la 54e. Il était servi de la tête par Kamara dans la surface. À peine couvert, il faisait mouche en taclant le ballon du front. C’était 4-2, et Montréal ne devait maintenant que fermer les livres devant une équipe démolie émotivement. Et physiquement aussi, éventuellement.

« Ce quatrième but a été très important, souligne celui qui l’a marqué. On a joué une deuxième mi-temps très professionnelle. »

Insigne faisait 4-3 dans les arrêts de jeu. Un but contre le cours du jeu, issu d’une erreur de Piette et Camacho dans la surface. L’Italien semblait blessé, toutefois. Il claudiquait lors des dernières minutes.

Cette 16victoire fait déjà de la saison 2022 la meilleure de l’histoire du club en MLS, avec 52 points au total. Un de plus qu’en 2016. Et il reste encore cinq rencontres.

« C’est un de ces matchs dont on va se rappeler toute l’année. Pour toute une carrière. Il définit une saison, estime Johnston. Avec tout le talent devant, ce match aurait pu facilement devenir hors de portée. Mais on a tracé une ligne dans le sable et on a dit : “Non. On va revenir dans ce match.” »

« Ce groupe écrit l’histoire, ajoute Nancy. C’est ce qu’on veut. Faire quelque chose de spécial. »

Il est bien parti.