(Québec) Le tunnel Québec-Lévis qu’entend construire le gouvernement de François Legault doit coûter à l’État 40 millions par année en frais d’exploitation, soit environ 60 % de plus que ce que coûte le nouveau pont Samuel-De Champlain.

Sur l’ensemble de sa vie utile – soit 100 ans –, le tunnel autoroutier de 8,3 km doit donc coûter 4 milliards à exploiter, selon des chiffres préliminaires qui n’avaient pas été communiqués lors de l’annonce de la semaine dernière.

« Les coûts d’exploitation, c’est 40 millions par année. C’est une évaluation très, très, très préliminaire », a indiqué Nicolas Vigneault, porte-parole du ministère des Transports du Québec (MTQ), en réponse à une question de La Presse.

Le porte-parole s’est empressé de préciser que toutes les routes au Québec ont des frais d’exploitation, qu’il faut distinguer des coûts de construction.

La construction du tunnel doit coûter entre 7 et 9,5 milliards. Mais une fois construit, l’ouvrage devra être entretenu et exploité. Sur 100 ans, ce sont donc 4 milliards qui devront être dépensés en frais d’exploitation, sans tenir compte de l’inflation.

Ces coûts d’exploitation sont « réalistes », estime l’expert Bruno Massicotte. Dans son étude de 2016 sur un tunnel Québec-Lévis, ce professeur titulaire à Polytechnique Montréal s’était intéressé à un autre tracé, plus court. Il avait estimé à 23 millions par année les frais de maintenance du tunnel.

Pour le pont Samuel-De Champlain à Montréal, Ottawa établit à 25 millions par année sur 30 ans les « coûts de fonctionnement, d’entretien et de remise en état ».

Les tunnels ne doivent pas être déneigés, contrairement aux routes extérieures. Mais ils sont munis de systèmes complexes de ventilation, d’éclairage et de surveillance qui doivent être méticuleusement entretenus.

« Un tunnel, c’est une machine. Il y a beaucoup d’équipement mécanique dans un tunnel », explique Bruno Massicotte en entrevue.

Réparer un tunnel, c’est compliqué. Une route, c’est plus facile. Dans un tunnel, c’est un milieu fermé. La règle d’or, c’est : si on peut éviter de faire un tunnel autoroutier, on l’évite.

Bruno Massicotte, professeur titulaire à Polytechnique Montréal

Coût du cycle de vie

Lors de l’annonce à grand déploiement concernant le tunnel de 8,3 kilomètres, le gouvernement a annoncé le 17 mai dernier un coût de construction de 6 à 7 milliards. Mais il s’est empressé d’ajouter que des « frais connexes » de 10 à 35 % étaient à prévoir, pour un total qui frôle les 10 milliards.

Mais ce total n’inclut pas les frais d’exploitation.

PHOTO PATRICE LAROCHE, ARCHIVES LE SOLEIL

François Legault, premier ministre du Québec, lors de l’annonce concernant le tunnel Québec-Lévis, le 17 mai dernier

Lorsque le gouvernement de Philippe Couillard avait mandaté Bruno Massicotte pour étudier la faisabilité d’un tunnel entre Québec et Lévis, le MTQ lui avait demandé d’inclure ces contingences dans le coût du projet. Il était arrivé à un total de 4 milliards.

Le Ministère lui avait aussi demandé d’inclure la maintenance sur 100 ans. « On appelle ça le coût du cycle de vie, le coût de toutes les réparations à faire comme si on les faisait aujourd’hui, sans inclure l’inflation. Le gouvernement le demande de plus en plus maintenant », dit-il.

L’expert arrivait à un total de 6 milliards pour le coût du cycle de vie d’un troisième lien.

Pour le pont Samuel-De Champlain, Ottawa a aussi ajouté l’entretien et le fonctionnement sur 30 ans pour arriver à un coût total de 4,4 milliards.

De nombreux observateurs ont comparé le nouveau pont montréalais avec le futur troisième lien. Le premier accueille 137 000 véhicules par jour. Le gouvernement estime qu’en 2036, jusqu’à 55 000 véhicules circuleront chaque jour dans le futur tunnel Québec-Lévis.

Mais peu d’observateurs ont noté que le coût du pont Champlain incluait 30 ans de frais d’exploitation. Pour une comparaison équivalente, il faudrait donc ajouter 1,2 milliard à la facture du futur tunnel (40 millions sur 30 ans), pour un total de 8 à près de 11 milliards de dollars.

Sur 100 ans, le troisième lien aura un coût du cycle de vie de plus de 13 milliards dans le pire scénario présenté par le MTQ (7 milliards pour la construction, plus 2,5 milliards en contingence et 4 milliards pour l’exploitation).

Les tunnels ont toutefois une espérance de vie habituellement plus élevée que les ponts. Ce facteur devrait être pris en compte dans une analyse comparative. Le MTQ n’a toutefois fourni aucune étude de la sorte lors de l’annonce.

La question des coûts d’exploitation du futur tunnel est importante dans la mesure où Québec peine à correctement entretenir ses écoles, ses hôpitaux et ses routes.

Le déficit de maintien d’actifs (DMA) « associé aux infrastructures routières en mauvais état est évalué à 18,7 milliards de dollars, soit 66 % du DMA de l’ensemble des infrastructures publiques sous la responsabilité du gouvernement », peut-on lire dans le Plan québécois des infrastructures 2020-2030.