L’isotonitazène, un opioïde cinq fois plus puissant que le fentanyl, a causé la mort d’un adolescent à Montréal juste avant Noël, plongeant sa famille dans le deuil. Quelle est cette drogue ? Sous quelle forme se retrouve-t-elle ? Et surtout, comment prévenir ces surdoses ? Tour d’horizon.

Cinq fois plus puissant que le fentanyl

L’isotonitazène est un opioïde de synthèse, qui a été développé dans les années 1950, mais qui n’a jamais été commercialisé. Les nitazènes font partie du groupe chimique des benzimidazoles. L’isotonitazène serait environ cinq fois plus puissant que le fentanyl, selon Santé Montréal.

Chez une personne qui n’a pas l’habitude de consommer des opioïdes, une très faible dose d’isotonitazène peut provoquer une surdose par arrêt respiratoire. Or, plusieurs consommateurs peuvent ignorer ce qu’ils ingèrent, comme cela semble avoir été le cas de Mathis Boivin, qui a perdu la vie juste avant Noël à l’âge de 15 ans.

Un comprimé comme les autres

Enjeu majeur : l’isotonitazène est souvent distribué sur le marché noir comme une imitation d’un comprimé d’un autre médicament, comme de l’oxycodone ou de l’hydromorphone.

L’isotonitazène se retrouve souvent dans des comprimés imitant une dose de 30 mg d’oxycodone, un opioïde médicamenteux normalement vendu sur ordonnance. Il s’agit d’un comprimé bleu portant l’inscription A/215.

Mais les comprimés d’isotonitazène peuvent aussi se retrouver sous d’autres formes. À Sherbrooke, en 2020, la police avait saisi des comprimés bleus marqués de « M » d’un côté et de « 30 » de l’autre.

La même année, à Québec, des comprimés d’hydromorphone de contrefaçon s’étaient avérés être de l’isotonitazène. Il s’agissait de comprimés en triangle blanc aux coins arrondis portant d’un côté l’inscription « 8 » et de l’autre la lettre « M » chevauchant une fente verticale au centre, selon la Santé publique de la ville.

Bien que d’autres catégories de nitazènes soient distribuées sous forme de poudre, l’isotonitazène est majoritairement vendu sous forme de comprimés, confirme un rapport du gouvernement canadien.

Présent à Montréal

Selon les données préliminaires du Bureau du coroner, l’isotonitazène a été détecté dans quatre décès en 2021 et 2022 à Montréal, rapporte Santé Montréal. Il s’agit d’une importante diminution par rapport à l’année précédente, où 10 décès avaient été liés à l’isotonitazène.

« De nombreux autres nitazènes font leur apparition sur le marché illicite, mais ils ne sont pas encore tous détectables lors des analyses toxicologiques », prévient toutefois Santé Montréal. « Leur présence est donc probablement sous-estimée. »

Détecté pour la première fois à Québec

L’isotonitazène fait partie de la catégorie de substance des nitazènes et de la brorphine, selon le gouvernement du Canada. Plusieurs autres substances en font partie, telles que l’étodesnitazène, la protonitazène et la métonitazène. Cependant, l’isotonitazène demeure la substance de cette catégorie la plus souvent détectée au Canada (dans 46,8 % des détections), selon un rapport du gouvernement canadien.

La plupart des détections de cette catégorie ont été signalées en Ontario (43,5 %) et au Québec (38,5 %), rapporte aussi le gouvernement canadien.

C’est dans la ville de Québec que l’isotonitazène a été détecté pour la première fois au pays, en 2019, par une saisie du service de police. Puis, plusieurs saisies ont eu lieu à l’été 2020 à Montréal, dont une saisie de 2000 comprimés d’isotonitazène en juillet. En novembre de la même année, plusieurs services de santé publique de la province ont lancé une alerte concernant les dangers de cette substance.

Un antidote : la naloxone

Autre souci avec l’isotonitazène : il ne peut pas être détecté dans les bandelettes de détection du fentanyl ni dans les analyses de routine aux urgences.

Cependant, si une personne semble en arrêt cardiorespiratoire en raison d’une surdose, la naloxone peut renverser les effets de l’isotonitazène. Plus d’une dose de naloxone pourrait toutefois être nécessaire.

D’autres mesures de prévention sont aussi essentielles pour prévenir les surdoses, comme éviter de consommer seul. Si on le fait, les services de santé publique recommandent d’aviser un ami ou une personne de confiance qui pourra intervenir en cas de besoin. Si on consomme à plusieurs, il est recommandé de le faire à tour de rôle et d’avoir de la naloxone à portée de main, prête à être utilisée.