Les audiences publiques amorcées cette semaine sur le nouveau mode de scrutin pour le Québec proposé par le gouvernement Legault revêtent un caractère historique.

Alors que c’est en mars 1922 qu’a eu lieu la première intervention sur ce sujet fondamental à l’Assemblée nationale, c’est seulement aujourd’hui que nos élus abordent au Parlement l’étude d’un véritable projet de loi.

Celui-ci, il faut le rappeler, est le fruit d’une longue lutte citoyenne dirigée par le Mouvement Démocratie Nouvelle créé il y a 20 ans. Ce militantisme a conduit à un dialogue intensif avec tous les partis. Il a débouché, en décembre 2016, sur une entente transpartisane, puis à l’engagement électoral de 2018 pris par trois des quatre partis représentés aujourd’hui à l’Assemblée nationale, en l’occurrence la Coalition avenir Québec, Québec solidaire et le Parti québécois.

Soit dit en passant, un engagement identique avait été pris lors des élections générales de 2003 par le Parti québécois, le Parti libéral et l’Action démocratique. Ce devait être chaque fois les dernières élections avec le mode de scrutin actuel !

Ces promesses et un nombre considérable de propositions de changement faites depuis… 1890, et surtout depuis la Révolution tranquille, l’ont été pourquoi ?

Pour une raison fondamentale : le système implanté par le colonisateur anglais est injuste et, comme l’a dit crûment un jour René Lévesque, « démocratiquement infect ». Presque toutes les élections générales, la volonté populaire n’a pas été respectée !

En général, une majorité de la population n’a pas voix au chapitre dans l’exercice du pouvoir.

 – Des partis ont obtenu très souvent plus de députés qu’ils auraient dû en avoir en fonction des votes exprimés.

 – Des partis ont obtenu très souvent moins de députés que ce qu’ils auraient dû avoir.

 – Des partis se sont souvent retrouvés sans député malgré des appuis électoraux significatifs.

 – La députation de plusieurs régions n’est pas en adéquation avec les votes citoyens et une majorité de la population est souvent non représentée !

Le Parlement du Québec a rarement été correctement représentatif. Il y a toujours eu un déficit démocratique important. En fait, le taux de distorsion électorale du Québec est l’un des pires du monde démocratique. Et, en plus, à cinq reprises, dont la dernière fois en 1998, le parti ayant obtenu le plus de votes s’est retrouvé dans l’opposition. C’était chaque fois un renversement inacceptable de la volonté populaire. Élu par une minorité de votes, mais récoltant une majorité de sièges, le parti gagnant gouverne avec 100 % du pouvoir.

Dans une démocratie représentative digne de ce nom, la sélection des élus doit se faire selon un système qui fait en sorte que la même valeur est accordée à tous les votes et que chaque voix exprimée compte.

La représentation parlementaire doit correspondre le plus possible à la volonté populaire ainsi qu’à la pluralité des grandes tendances politiques et à la diversité sociale.

C’est à cause de cette défaillance fondamentale que 85 % des États industrialisés ont abandonné totalement ou partiellement le système électoral anglais pour le remplacer par un scrutin de type proportionnel.

Et, contrairement aux prétentions des partisans du statu quo, ces sociétés se sont développées très correctement avec à leur tête des gouvernements stables et efficaces qui ont généré des niveaux de vie passablement élevés. Il faut savoir que les États les plus prospères et les plus égalitaires ont un mode de scrutin à finalité proportionnelle.

Le Québec mérite mieux

Il est par ailleurs totalement faux que le mode de scrutin proposé va constituer une menace cataclysmique pour notre nation, notre culture et notre identité francophones. Soit dit en passant, le système en place a souvent engendré des gouvernements majoritaires – élus par une minorité de la population – qui ont fragilisé la langue française, notre culture et notre nation. Le statu quo n’est pas une protection béton pour les intérêts du Québec. L’Histoire prouve le contraire !

La population du Québec mérite mieux que le vieux mode de scrutin imposé en 1792. Et ses représentants politiques d’aujourd’hui doivent se rappeler que le système électoral appartient au peuple et non à eux ni à leur parti.

En tout, 96 des 125 députés actuels de notre Assemblée nationale ont été élus avec l’engagement de remplacer le statu quo par un système qui introduirait plus de respect des valeurs québécoises, soit plus de justice dans la composition du Parlement et plus de coopération entre les partis. Ensemble, tous ces députés ont obtenu l’appui électoral de 70 % de la population.

Aujourd’hui, nous demandons aux députés élus le 1er octobre 2018 le respect de la parole donnée. Ils ont l’obligation de trouver les compromis nécessaires pour qu’un vote final puisse intervenir dans un délai acceptable.

Une nouvelle démocratie est appelée de tous leurs vœux par une grande majorité de nos compatriotes. Ceux-ci ont énormément perdu confiance dans notre classe politique. Le cynisme citoyen est très répandu. Aux dernières élections générales, à peine 63 % de l’électorat a voté ! Mais, malgré tout, au fond d’eux, les gens espèrent encore voir s’installer un renouveau à la hauteur des exigences et des énormes défis du Québec du XXIe siècle.

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