Le projet de loi sur la santé et la sécurité du travail n’atteindra pas sa cible dans sa forme actuelle, croit la FTQ Construction. L’organisation syndicale est en train de rédiger un rapport défavorable qui sera présenté en février prochain lors d’une commission parlementaire. La FTQ Construction propose un agent syndical et un agent patronal pour assurer la sécurité des ouvriers sur les chantiers.

La nouvelle loi, qui exigera des agents veillant à la sécurité des travailleurs seulement sur les chantiers de 25 millions et plus plutôt que les 8 millions actuels, causera une baisse de la sécurité, craint la FTQ Construction. Les mêmes inquiétudes ont été soulevées par des entreprises spécialisées dans le domaine le 9 novembre dernier dans La Presse.

(Re)lisez l’article « Des entreprises spécialisées craignent davantage d’accidents »

« On est en accord avec les agents de sécurité pour dire que ça n’a pas de bon sens de faire passer l’exigence de 8 à 25 millions », affirme en entrevue avec La Presse Simon Lévesque, responsable de la santé et sécurité à la FTQ Construction, qui siège aussi au conseil d’administration de la CNESST.

« On a l’impression que le ministre du Travail veut des gens qui paient les pots cassés plutôt que des gens qui changent des méthodes de travail », dit-il.

Le gouvernement et la CNESST soutiennent que le montant de 25 millions représente en fait le montant de 8 millions établi en 1986, qui a été indexé selon les prix d’aujourd’hui. Or, la FTQ Construction considère que ce serait une grave erreur de faire grimper le seuil, car le rôle de l’agent de sécurité a évolué depuis cette époque et les sources de danger ont changé avec les nouvelles technologies.

Les connaissances au sujet des chutes, des contaminants, des installations sanitaires et des équipements de protection se sont affinées, explique l’organisation syndicale qui représente 80 000 travailleurs. À l’époque où la loi a été écrite, rappelle la FTQ Construction, l’amiante était légal.

« On doit travailler en prévention plutôt qu’en réaction, assure Simon Lévesque. Lorsque survient un accident grave ou un décès dans un milieu de travail, on essaie de récupérer ce qu’on n’a pas fait et qui a causé l’accident. On réagit plutôt que de mettre en place tout de suite de bons mécanismes de prévention. »

Pendant la pandémie, c’est grâce aux agents de sécurité si les ouvriers ont pu avoir des toilettes avec de l’eau courante et du savon, cite en exemple Simon Lévesque. Alors que c’est pourtant prescrit dans le règlement de la construction.

Les risques de la précarité d’emploi

Le projet de loi ne tient pas compte de la précarité des emplois dans la construction en proposant l’ajout d’un représentant en santé et sécurité sur les chantiers de 10 travailleurs et moins, désigné parmi les travailleurs, soulève aussi l’organisation syndicale. La nouvelle loi met entre les mains de personnes vulnérables la responsabilité de faire respecter la santé et la sécurité, dit-elle.

« On s’attend à ce qu’un employé qui risque de perdre son emploi tienne tête à son employeur pour exiger qu’il mette une toilette avec de l’eau courante ou un garde-corps pour s’assurer que l’employé ne fasse pas de chute », illustre la FTQ Construction.

Sans compter que certains travailleurs, de par leur type de métier, ne peuvent pas devenir représentants. Un grutier, par exemple, ne peut pas descendre soudainement de sa grue pour exiger une modification d’une méthode de travail.

« Si on veut que le projet de loi soit applicable, il faut quelqu’un de protégé par une association syndicale, précise M. Lévesque. On suggère des gens qui seront libérés à temps complet et qui ne s’occuperont que de santé et de sécurité, jamais de relations de travail, qui seront reconnus dans leur rôle et qui feront des tournées de chantiers. »

« On ne veut pas faire le travail des agents de sécurité, insiste Simon Lévesque, on veut un vis-à-vis. »

M. Lévesque raconte avoir visité un chantier dans l’ouest de Montréal où 17 agents de sécurité avaient démissionné en 11 mois, car le maître d’œuvre ne voulait pas se conformer aux règles.

La FTQ Construction croit que les deux agents syndical et patronal auront plus de pouvoir contre les employeurs récalcitrants.

Pas d’appli pour poinçonner l’heure d’arrivée et de départ

Une application mobile sur un téléphone portable personnel ne pourra plus servir de système pour « poinçonner » son arrivée et son départ du travail dans les chantiers de construction, vient de statuer le Tribunal d’arbitrage. Il donne ainsi raison à la FTQ Construction, qui avait déposé un grief contre un entrepreneur en électricité demandant à ses employés d’utiliser une application sur leur téléphone portable personnel pour poinçonner lorsqu’ils arrivaient au chantier et le quittaient. Le tribunal soutient que l’employeur ne peut pas mettre la responsabilité de fournir l’équipement et d’en assumer les coûts sur les épaules de l’employé, ni convenir avec les employés de conditions de travail différentes de celles qui sont prévues à la convention collective. — Avec La Presse Canadienne