Fruit d’une riche réflexion sur la culture et les traditions cries, le complexe Odea se distinguera des immeubles voisins, au seuil de Montréal. La Nation crie, en donnant vie à un terrain acheté en 1995, en profite pour exprimer sa spécificité, dans un esprit de réconciliation.

La construction du complexe a commencé, à la jonction du Vieux-Montréal, du centre-ville et de Griffintown. La tour de 25 étages comportera 264 appartements locatifs et 171 condos, ainsi que près de 1000 m⁠2 de locaux commerciaux au rez-de-chaussée. Au cœur palpitera une cour intérieure circulaire s’inspirant de la forêt boréale. La représentation symbolique d’un immense canot, par ailleurs, sera insérée dans la façade.

Sur place, au tout début du projet, l’architecte autochtone de renommée internationale Douglas Cardinal a eu la vision d’un canot, a-t-il expliqué au cours d’une entrevue par vidéoconférence. « Le canot a été un outil de communication et de commerce pour les voyageurs de Montréal et du Québec, a-t-il précisé. Je sentais que les Premières Nations suivent le même cheminement en cette ère de réconciliation, en amenant leurs idées et en prenant la place qui leur revient. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

L’architecte autochtone Douglas Cardinal (à gauche) et l’architecte Jean-François Gagnon, associé principal chez Lemay (à droite), entourent Randy Bosum et Derrick Neeposh, qui occupent des postes de haute direction au sein de Creeco, propriétaire du terrain.

Le mot cri « ode », qui signifie canot, a inspiré le nom du projet, qui se veut inclusif. « Le canot est propre à toutes les cultures autochtones et nous reconnaissons par ce symbole que l’immeuble se trouve en territoire mohawk », a indiqué Randy Bosum, qui occupe un poste de haute direction chez Eeyou Eenou Realty Properties (EERP), la filiale immobilière de Creeco, le fonds de développement économique de la Nation crie.

Partenariat

Creeco a établi un partenariat avec la société immobilière Cogir, dont le complexe Humaniti, au centre-ville de Montréal, vient d’obtenir la certification WELL. « Nous savions que nous ferions un beau projet ensemble », a souligné M. Bosum, en saluant la volonté de Mathieu Duguay, président et chef de la direction de Cogir, de travailler avec les Cris.

L’agence Lemay a pris en main l’architecture du projet, qui avait essuyé un premier refus auprès de la Ville de Montréal, et l’a revisité en s’appuyant sur de longues conversations avec Douglas Cardinal.

« Je suis encore très proche de lui, a souligné Jean-François Gagnon, architecte et associé principal, conception, chez Lemay. On s’est donné du temps pour prendre de bonnes décisions. La réflexion architecturale a tourné autour de l’intégration de la culture et des symboles cris pendant au moins six mois. C’était particulier, parce que les Cris sont beaucoup dans le consensus. Les décisions se prenaient souvent après les réunions. C’était fascinant. J’ai beaucoup appris. »

« J’ai aimé travailler avec Jean-François à cause de sa sensibilité et de sa connexion avec la terre, a confié Douglas Cardinal. Nous venons de différentes cultures et nous avons travaillé à l’unisson, comme des frères. J’ai beaucoup appris de Jean-François, sur l’héritage des gens de Montréal. Nous avons toujours été ouverts l’un avec l’autre. Nos aînés nous ont enseigné à parler avec notre cœur et à nous traiter avec respect. C’est ce qui s’est passé. Jean-François a interprété de façon brillante ce dont nous avons discuté et a vu aux moindres détails. »

ILLUSTRATION FOURNIE PAR LEMAY

Le mot cri « ode », qui signifie canot, a inspiré le nom du projet. La représentation symbolique d’un immense canot sera insérée dans la façade.

Plusieurs symboles et éléments de la culture crie, comme le canot, la forêt boréale, l’influence et le respect des femmes, les arbres, les ressources naturelles, la confection des choses et leur pérennité, ont été intégrés de façon subtile, a précisé M. Gagnon.

« On a pris le projet au début comme si c’était le tronc d’un bouleau blanc, qui est l’arbre avec lequel les Cris font les canots, dit-il. L’enveloppe extérieure est blanche, parce qu’elle représente l’écorce, qui protège de la ville et protège la cour intérieure. Puis on enlève l’écorce pour dévoiler l’aubier, la partie tendre du bois, dont la sensibilité et la chaleur viennent définir la cour intérieure. Dans la découpe du canot, encore une fois, l’intérieur du bois, le bois blond, apparaît. »

LEED Argent

L’agence Lemay, reconnue pour son leadership environnemental, et la Nation crie se sont vite entendues sur la durabilité du projet.

« Dès le départ, cela a été un point d’ancrage, révèle Loïc Angot, associé, directeur des stratégies durables chez Lemay. On vise la certification LEED Argent. C’est un des sites sur lesquels on a travaillé qui sont le mieux connectés, à côté de deux stations de métro, de la gare Bonaventure et d’une future station du REM, de l’autre côté de l’autoroute. C’est aussi un projet qui a plein de qualités du point de vue de l’efficacité énergétique. Ce ne sera pas, par exemple, la 32e tour vitrée de Montréal. Les parties vitrées seront assez mesurées, ce qui est en soi intéressant pour l’efficacité énergétique, le confort et l’intimité des personnes. L’immeuble sera par ailleurs relié au réseau Climatisation et chauffage urbains de Montréal (CCUM). »

ILLUSTRATION FOURNIE PAR LEMAY

Reflétant des valeurs chères à la Nation crie, la cour intérieure sera circulaire et s’inspirera de la forêt boréale. À une période spécifique de l’année, le reflet de la lune pourra être admiré. Cet endroit favorisant l’introspection sera ouvert au public.

Les concepteurs ont aussi beaucoup réfléchi à la réduction des îlots de chaleur. Les jardins, qui seront aménagés sur différents niveaux, correspondront par leurs formes, par les matières intégrées, par la luminosité et les vues à des valeurs chères à la Nation crie. La cour intérieure, par exemple, sera circulaire et s’inspirera de la forêt boréale. À une période spécifique de l’année, le reflet de la lune pourra être admiré. Cet endroit favorisant l’introspection sera ouvert au public.

Le projet ayant par ailleurs été conçu au début de la pandémie, une attention particulière a été accordée à la connectivité numérique, afin de faciliter le télétravail, de partout, même sur les terrasses. L’immeuble visera ainsi la certification WiredScore.

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