(Montréal) La ministre canadienne des Sports, Pascale St-Onge, estime que la FIFA a manqué de courage après avoir ordonné lundi aux équipes présentes à la Coupe du monde d’abandonner l’idée que leur capitaine porte un brassard multicolore qui dénonce la piètre feuille de route du Qatar, le pays hôte de l’évènement, en matière de droits humains.

« Les organisations sportives et les fédérations sportives internationales tentent toujours de séparer le sport et la politique, a d’abord évoqué Mme St-Onge en point de presse mardi matin. Mais en prenant une décision comme celle-là, ça demeure une décision politique de l’organisation visant à restreindre la liberté d’expression. Je trouve ça dommage, car je crois qu’il y a moyen pour que les compétitions sportives puissent se dérouler de façon solidaire, fraternelle, tout en permettant une certaine liberté. »

Quand un journaliste lui a demandé s’il s’agissait d’un manque de courage de la FIFA, la politicienne a répondu : « Oui, ou du moins c’est une décision politique mal avisée ».

Mme St-Onge a rappelé que des athlètes souhaitent simplement exprimer leur soutien à la communauté LGBTQ+, « mais malheureusement la FIFA a choisi de restreindre cette expression-là, alors je trouve ça extrêmement dommage ».

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

« Je trouve ça dommage, car je crois qu’il y a moyen pour que les compétitions sportives puissent se dérouler de façon solidaire, fraternelle, tout en permettant une certaine liberté », a expliqué la ministre canadienne des Sports, Pascale St-Onge.

Quelques heures avant que les premiers joueurs portant le brassard multicolore en faveur de la campagne One Love ne foulent le terrain lundi, l’organisation qui chapeaute le soccer sur la planète a prévenu qu’ils écoperaient d’un carton jaune sur-le-champ – forçant les équipes européennes à revoir leur position, puisqu’elles s’attendaient surtout à écoper d’amendes. Ces démonstrations enfreignent les règlements de la FIFA.

La FIFA a finalement offert un compromis aux capitaines des 32 équipes, en leur permettant de porter le brassard noir sur lequel est inscrit « No Discrimination » dès la phase de groupes. Celui-ci ne devait être utilisé initialement qu’à compter des quarts de finale. Une contradiction, selon Mme St-Onge.

« Il y a certainement une contradiction ici, entre un brassard noir qui est toléré sur lequel est écrit “Pas de discrimination”, ou un brassard multicolore qui cible en particulier la communauté LGBTQ+ », a-t-elle dit.

Du côté du Canada, Atiba Hutchinson portera le brassard officiel de la FIFA sur lequel il est écrit « No Discrimination » lors du match contre la Belgique mercredi. Cette décision aurait été prise collectivement par l’ensemble de l’équipe, selon un représentant de Soccer Canada.

Dans un communiqué émis lundi, le président de la FIFA Gianni Infantino « a réitéré son appui à la cause LGBTQ+ pendant la Coupe du monde de 2022 au Qatar ».

« J’ai discuté de cet enjeu avec les hauts dirigeants du pays, a noté Infantino par voie de communiqué. Ils m’ont confirmé, comme je peux le faire également, que tout le monde est le bienvenu. Si quelqu’un dit le contraire, alors ce ne sera pas l’opinion du pays, ni celle de la FIFA. »

Cette pomme de discorde est la plus récente à faire ombrage à l’évènement sportif. Depuis qu’il a remporté la course pour l’octroi de la Coupe du monde, en 2010, le Qatar, un pays conservateur à majorité musulmane, a été critiqué pour sa maltraitance des travailleurs étrangers ainsi que sa décision de criminaliser l’homosexualité.

Cette décision a été annoncée trois jours après que le gouvernement du Qatar eut interdit la vente de bière dans les stades de la Coupe du monde, et deux jours après que le président de la FIFA, Gianni Infantino, eut livré un discours-fleuve défendant la feuille de route du pays en matière de droits humains.

Les capitaines de sept pays européens avaient promis de porter le brassard sur lequel figurait le cœur multicolore de la campagne One Love, qui fait la promotion de l’inclusivité et de la diversité dans le soccer et la société en général. En conséquence, des centaines de millions de téléspectateurs auraient pu observer ce symbole sur les brassards des capitaines de l’Angleterre Harry Kane, des Pays-Bas Virgil van Dijk et du pays de Galles Gareth Bale, et en déduire qu’ils dénoncent le pays hôte, et font un pied de nez à la FIFA.

Mais en fin de compte, les équipes ont indiqué qu’elles n’étaient pas prêtes à sacrifier leurs succès sur le terrain pour la cause. Un carton jaune est un avertissement, mais deux cartons jaunes entraînent l’expulsion d’un joueur et sa suspension pour le match suivant – une sanction particulièrement sévère dans le format de la Coupe du monde, où les équipes ne disputent que trois matchs avant d’entreprendre la phase éliminatoire.

Avec Graham Dunbar, Associated Press