L’attention qu’a retenue le passage de Sophie Thibault du bulletin de fin de soirée à ceux de 17 h et 18 h montre à quel point le monde de l’information a beaucoup changé. Autrefois considéré comme le créneau le plus prisé de la journée, le bulletin de 22 h est aujourd’hui perçu comme tous les autres.

Il y a un aspect important qui accompagne la mutation de Sophie Thibault, c’est qu’elle succède à une légende. Mais j’avoue que lorsque j’ai entendu la cheffe d’antenne dire qu’elle ne croyait pas qu’elle était « dans les plans » de ses patrons et qu’elle a « reculé » d’un pas quand on lui a proposé ce nouveau rôle, je me suis dit que l’époque où le fauteuil du 22 h faisait office de trône est vraiment révolue.

Depuis des années, on sait que les bulletins présentés en début de soirée rejoignent plus de téléspectateurs. Déjà, en 2010, ma collègue Nathalie Collard signait un reportage sur le « déclin des nouvelles de fin de soirée ». La descente s’est poursuivie avant de se stabiliser.

Dans un monde où les nouvelles défilent en cascade sur notre téléphone pendant que nous sommes en réunion, le concept du rendez-vous fixe avant de passer au lit est moins important.

Il est risqué de comparer les cotes d’écoute des deux créneaux sur les deux chaînes principales de Radio-Canada et Québecor. Il y a deux bulletins en début de soirée. Certains sont présentés à la fois sur la chaîne généraliste (TVA ou Radio-Canada), certains au même moment sur les chaînes d’info continue (RDI et LCN), d’autres sont offerts au réseau national ou en circuit local. Bref, il est difficile d’y voir clair.

Mais dans l’ensemble, les chiffres nous montrent que nous préférons maintenant regarder les images du jour à l’heure du souper. Évidemment, les jours de la semaine, les évènements et les enquêtes exclusives ont un effet sur les cotes d’écoute pour les deux réseaux et pour les deux cases. Les réseaux ou les bulletins sont parfois à égalité.

Il reste que cette façon plus libre de consommer l’information a amené les bulletins de fin de soirée à se redéfinir. Radio-Canada a emprunté le chemin de la profondeur avec des sujets traités plus longuement par Céline Galipeau et ses collègues. Noovo vient d’annoncer qu’il ramène la formule des débats après son bulletin de 22 h.

Est-ce que cela signifie la mort des rendez-vous fixes en information, notamment celui en fin de soirée ? Je ne le crois pas. Nous avons autant besoin de rituels que de libre choix. Et nous avons surtout besoin d’être bien informés.

La photo

La photo que nous avons publiée de Sophie Thibault vendredi montre avec beaucoup de franchise une femme qui ne craint pas d’afficher son âge. Eh oui ! Elle a de petites pattes d’oie. Eh oui ! Elle a de légères rides au front. Tout comme nous.

Ces traces de vie étaient perçues chez Bernard Derome, Pierre Bruneau ou Jacques Moisan comme des signes d’expérience, de crédibilité. C’est sans doute ce que Sophie Thibault souhaite que l’on retienne aussi pour elle. En ce sens, on peut se dire que les choses changent pour les femmes pour qui vieillir devant une caméra est encore difficile.

Une amie, qui évolue dans le monde de la télévision, me disait récemment à quel point les inégalités entre les hommes et les femmes demeurent grandes à cet égard.

La pression de se retirer dès les premiers signes de vieillissement se fait sentir plus fortement du côté féminin. De là, les salles d’attente des cliniques de chirurgie esthétique bondées.

TVA a bien fait d’ignorer ce réflexe bien ancré et complètement dépassé en prenant la décision d’offrir ce nouveau rôle à Sophie Thibault.

L’autre Zappa

Je suis très heureux de voir que Sophie Thibault s’empare du bulletin de début de soirée. Mais la nomination surprise demeure pour moi celle de Pierre-Olivier Zappa à la barre du TVA Nouvelles de fin de soirée.

J’ai toujours aimé ce journaliste. Monsieur Je-n’ai-pas-besoin-de-télésouffleur m’impressionne par sa prestance, la qualité de son français et ses talents de communicateur. J’adore quand il a recours aux tableaux numériques pour expliquer certains aspects de l’actualité.

Je me souviens quand il est arrivé à TVA. J’avais dit à quelques collègues qu’il serait la prochaine grande vedette de l’info à cette chaîne. Certains s’étaient moqués de moi.

Ce passionné de politique et d’économie, qui a bâti son image avec ses gilets de costume, sans manches, a l’allure d’un premier de classe. Mais il ne donne pas l’impression d’être élitiste. Au contraire, il est près de ses téléspectateurs. Il leur parle.

On sait de quoi Sophie Thibault est capable. Pierre-Olivier Zappa aura tout à prouver l’automne prochain. Mais je ne m’inquiète pas trop du résultat.

Et pour ceux qui se posent la question : oui, il a des liens de parenté avec l’ancien chanteur du même nom. Mais là s’arrête la comparaison entre l’enfant terrible du rock et le nouveau présentateur de nouvelles de TVA.