(Ottawa) Alors que les provinces et territoires prennent des mesures de plus en plus musclées pour endiguer la pandémie de la COVID-19, Justin Trudeau déconseille aux Canadiens de voyager d’une région à l’autre.

Les Territoires du Nord-Ouest ont fermé samedi leur frontière à tous les voyages non essentiels. Les portes du territoire sont donc dorénavant fermées aux résidants des autres provinces, sauf quelques exceptions.

Le non-respect de cet arrêté, qui exige aussi de ceux qui sont rentrés au cours des 14 derniers jours, est passible d’une amende pouvant atteindre d’au plus 10 000 $ et une peine de six mois d’emprisonnement, ont déclaré les autorités gouvernementales par voie de communiqué.

À cette décision s’ajoute celles de l’Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve-et-Labrador, qui ont annoncé samedi et vendredi, respectivement, que tout visiteur, même s’il arrive d’ailleurs au Canada, devra se placer en isolement pendant 14 jours.

En conférence de presse à Rideau Cottage, samedi matin, le premier ministre Justin Trudeau a dit appuyer l’« étape importante » franchie aux Territoires du Nord-Ouest, se disant « concentré sur les façons d’assurer l’acheminement de biens essentiels » aux communautés éloignées.

Invité à dire s’il voulait reprendre à l’échelle nationale la même demande que celle formulée avant lui par son homologue québécois François Legault, soit de restreindre les déplacements d’une région à l’autre, le premier ministre a opiné.

« On recommande que les Canadiens ne voyagent pas du tout à moins que ce soit essentiel. On recommande aux gens de rester chez eux, de ne pas aller voir leurs voisins. Ça s’applique aux États-Unis, et ça s’appliquerait aux provinces avoisinantes », a-t-il enchaîné.

« Il reste des gens qui ont des raisons importantes pour voyager, des raisons de famille ou d’affaires, mais si les gens peuvent garder leurs déplacements au minimum, rester chez eux, ce serait une bonne chose pour nous tous », a conclu Justin Trudeau.

Il a toutefois répété qu’il n’était pas prêt à invoquer la Loi sur les mesures d’urgence, qui pourrait lui fournir certains leviers pour restreindre les déplacements des Canadiens. En revanche, le recours à cette option musclée n’est pas écarté, a-t-il réitéré.

Le Dr. Arruda nuance

Du côté de l’Assemblée nationale, le Dr. Horacio Arruda a cité l’exemple de la région d’Ottawa-Gatineau pour illustrer tout n’est pas noir ou blanc.

Fermer la frontière entre le Québec et l’Ontario, qui compte jusqu’à présent davantage de cas de COVID-19, ne s’avérerait pas si simple.

« C’est possible, techniquement, mais [...] la ville de Gatineau et la ville d’Ottawa, c’est deux provinces différentes [mais] c’est quasiment une même région de vie sociale », a-t-il exposé en conférence de presse.

Et donc, « il faut prendre ça en considération, même pour nos soins; si on manque de soins à Gatineau, on va pouvoir compter sur Ottawa, puis Ottawa, c’est l’inverse aussi », a plaidé le patron de la santé publique au Québec.

« Des mois » de distanciation sociale

Si la ministre fédérale de la Santé, Patty Hajdu, convient que sceller les frontières entre les provinces est une idée qui fait partie des discussions, elle émet des doutes sur l’efficacité d’une telle mesure.

Elle a argué que peu importe ce qu’il advienne, la population doit écouter les consignes de la santé publique pour éviter de contraindre les gouvernements à adopter des mesures de nature à empiéter sur les libertés civiles.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La ministre fédérale de la Santé, Patty Hajdu

« On ne parle pas de deux semaines de distanciation sociale. On parle de mois de distanciation sociale. Ça va être difficile pour nous comme société », a laissé tomber la ministre Hajdu en conférence de presse au parlement.

À ses côtés, son collègue aux Transports, Marc Garneau, a fait remarquer qu’il fallait maintenir « une certaine ouverture » entre les frontières interprovinciales pour les échanges commerciaux. C’est ce dont Ottawa et Washington se sont assurés en fermant leur frontière commune.

La traverse entre le Canada et les États-Unis est fermée depuis samedi aux déplacements non essentiels. Cette mesure n’entrave cependant pas le transport de marchandises entre les deux partenaires, ni de certaines catégories de travailleurs.

Vols nolisés pour travailleurs agricoles étrangers

D’ailleurs, de multiples arrivages de travailleurs saisonniers du Guatemala, du Mexique, de la Jamaïque et des Caraïbes sont à prévoir dans les prochaines semaines, a souligné la ministre de l’Agriculture, Marie-Claude Bibeau, parlant d’une « excellente nouvelle ».

Ils seront autorisés à entrer au Canada malgré les restrictions de voyage occasionnées par la pandémie de la COVID-19, et c’est à bord de vols nolisés par l’industrie, et payés par leurs employeurs, qu’ils le feront, a-t-elle précisé.

« Il s’agissait ni plus ni moins que d’un impératif de sécurité alimentaire », a-t-elle tranché.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE



La ministre de l’Agriculture du Canada, Marie-Claude Bibeau, au moment de dévoiler la nouvelle politique alimentaire du Canada en juin 2019.

À leur arrivée, ils devront s’astreindre à un isolement supervisé pendant 14 jours. Il reviendra aux employeurs de faire respecter le protocole, « sous peine de perdre leur privilège de pouvoir engager des travailleurs étrangers pour les années à venir », a noté Mme Bibeau.

Le gouvernement veut ainsi s’assurer, en recrutant de la main-d’œuvre pour pourvoir plus de 60 000 postes à l’échelle du pays, de la disponibilité de fruits et légumes frais et de produits transformés localement sur les étagères.

« Et je veux aussi vous rassurer qu’il y aura toujours des emplois disponibles pour les Canadiens dans les fermes et dans les usines de transformation alimentaire », a plaidé la ministre.

L’opération rapatriement continue

Le gouvernement du Canada continue de travailler avec les compagnies aériennes et « avec d’autres pays pour avoir les permissions et autres mesures logistiques nécessaires » afin de ramener un maximum de ressortissants au bercail, a dit Justin Trudeau.

Des vols devraient être nolisés au Pérou, Espagne, et dans « d’autres pays qui seront annoncés le plus tôt possible », a-t-il ajouté. « On ne pourra pas joindre tout le monde, mais on fera tout ce qu’on peut pour aider le plus de gens possible », a promis le premier ministre.

Le fédéral a mis sur pied un programme de prêt d’urgence pouvant aller jusqu’à 5000 $ pour les Canadiens qui veulent rentrer au pays. Les voyageurs qui présentent des symptômes de la COVID-19 ne pourront toutefois monter à bord des aéronefs.

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Un vol d’Air Canada assurant la liaison entre Casablanca, au Maroc, et Montréal, affichait complet, samedi. Il doit se poser à l’aéroport Montréal-Trudeau — l’un des quatre aux pays qui peuvent encore accueillir des vols outre-mer — en soirée.

Les vols de rapatriement qui seront déployés ces prochains jours seront payés par les Canadiens qui monteront à bord, bien que le gouvernement défraie une partie du montant.