(Trois-Rivières) La Coalition avenir Québec a célébré son 10anniversaire au premier jour de son conseil général, dont le menu évitait la controverse et misait sur des propositions consensuelles. Au milieu de cet exercice discipliné, des notes discordantes se sont néanmoins fait entendre sur le thème de l’environnement. Le troisième lien n’échappe pas aux critiques.

Il s’est invité au conseil général samedi, le maire sortant de la capitale, Régis Labeaume, ayant publié la veille une lettre-fleuve pour déconstruire ce projet dont le coût est estimé jusqu’à 10 milliards de dollars. S’il a fait cette sortie, c’est parce que M. Labeaume est amer et ne digère pas la défaite de sa dauphine Marie-Josée Savard aux élections municipales, a répliqué le gouvernement Legault.

Or dans son parti, quelques voix s’élèvent contre ce projet. C’est le cas de Sylvain Duval, militant dans Portneuf. Il a pris le micro pour s’inquiéter des orientations du gouvernement en matière d’environnement, en particulier de la décision de « tasser » les nouvelles aires protégées prévues dans le sud du Québec.

Devant des journalistes, il a fait valoir son opposition au troisième lien. Il estime que ce tunnel augmenterait la congestion routière dans le centre-ville de la capitale. Ce retraité veut « brasser la cage » à la CAQ, estimant que le gouvernement n’en fait « définitivement » pas assez en matière d’environnement. « Je considère que l’environnement doit devenir numéro un dans tout et que l’économie [doit aller dans cette direction]. Si on ne va pas vers ça, nos enfants et nos petits-enfants, sur quel genre de planète ils vont vivre ? », a-t-il lancé. Il se dit « très pessimiste » et croit que les humains « sont devenus les rats de la Terre », les responsables d’une « destruction » de l’environnement.

Selon Louis Desrosiers, militant dans Abitibi-Ouest, « c’est sûr que ce n’est pas avec des constructions de routes qu’on va régler les problèmes de circulation automobile ». Le troisième lien n’est pas pertinent à ses yeux, notamment avec l’essor du télétravail. La facture est si élevée qu’il doute même que le gouvernement Legault aille de l’avant.

Selon la militante dans Sainte-Rose Virginie Dufour, la CAQ est « le parti qui en fait le plus en environnement ». Elle croit cependant qu’on peut se demander si le troisième lien est en phase avec les objectifs environnementaux du gouvernement. « Mais est-ce que [ce projet] se fera ? Ce n’est pas parfait, on s’entend, de faire un tunnel dans le fleuve », a lancé à La Presse cette ex-conseillère municipale à Laval qui était responsable de l’environnement au sein du comité exécutif.

Étienne Amyot, de Richmond, estime que le gouvernement devrait opter pour un métro ou n’envisager que du transport collectif dans un tunnel de moindre envergure. Un autre jeune militant, qui a préféré taire son nom, a laissé tomber qu’il ne « comprend pas le gouvernement avec le projet de troisième lien ».

Réplique à Labeaume

PHOTO PATRICE LAROCHE, LE SOLEIL

Vendredi, le maire sortant de Québec, Régis Labeaume, a fait part ouvertement de ses « préoccupations » au sujet du projet de tunnel entre Québec et Lévis, dont le coût est estimé jusqu’à 10 milliards de dollars.

Le gouvernement Legault balaie les critiques au sujet de son projet. Vendredi, M. Labeaume a fait part ouvertement de ses « préoccupations » au sujet du projet de tunnel entre Québec et Lévis. Dans sa longue lettre, il demande au gouvernement de reconsidérer le projet.

Le ministre Jonatan Julien, qui était le bras droit de Régis Labeaume avant de faire le saut à la CAQ, estime que la sortie du maire sortant est liée au verdict des électeurs dimanche dernier. « Je comprends que M. Labeaume [soit] déçu des résultats de la dernière élection, a-t-il dit. Je comprends qu’il doive faire un deuil » après 14 années à la tête de la Ville de Québec. « J’observe en fin de compte une lettre de plusieurs pages émise un vendredi avant l’assermentation [du nouveau conseil municipal] avec plusieurs éléments qui semblent avoir une teinte d’amertume », a-t-il ajouté.

Selon la ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale, Geneviève Guilbault, le gouvernement veut maintenant « passer à autre chose » après le règne de Régis Labeaume et voit « d’un très bon œil la nouvelle ère qui s’amorce » avec Bruno Marchand à la mairie. « Ça va faire du bien », a-t-elle affirmé.

Le premier ministre François Legault n’est « pas surpris » des critiques de M. Labeaume. « J’ai toujours senti qu’il n’avait pas un gros appui » au troisième lien, a-t-il dit. Il a affirmé qu’une majorité de citoyens de Québec et de Lévis sont favorables au projet.

Moi, je travaille pour les citoyens, je ne travaille pas pour Régis Labeaume.

François Legault, premier ministre du Québec

Il rejette la solution de rechange proposée par ce dernier – un nouvel aménagement des voies sur le pont Pierre-Laporte en fonction des heures de pointe. « On a regardé toutes les options, ça prend un troisième lien […] et c’est mieux d’avoir un tunnel. »

Il rencontrera Bruno Marchand la semaine prochaine. Le nouveau maire « a proposé des changements » au projet de tramway, « et on va regarder avec lui c’est quoi le meilleur scénario pour les citoyens », a dit le premier ministre.

10 ans de la CAQ

Pour souligner les 10 ans du parti, des acteurs de la première heure ont offert des témoignages, dont le député Marc Picard, ancien élu adéquiste, et Chantal Longpré, signataire du manifeste fondateur. Il y avait aussi la directrice générale de la CAQ, Brigitte Legault, et le directeur stratégique du ministre Roberge, Jean-François Del Torchio, premier attaché de presse de la CAQ – deux anciens du Parti libéral du Canada. « On se souhaite un autre 10 ans avec vous, chers militants, mais surtout un autre 10 ans avec le même chef », a lancé Jean-François Del Torchio.

Un François Legault ému, au bord des larmes, s’est adressé aux 850 militants et membres du personnel politique du gouvernement – une première rencontre en personne depuis le début de la pandémie. « Je ne serais pas là si vous n’aviez pas cru en moi, donc je vais toujours m’en souvenir », a-t-il affirmé. « Depuis 50 ans au Québec, il y avait une alternance entre les deux mêmes partis et on a réussi à casser ça, on a réussi à changer le paysage. »