« Depuis la rentrée scolaire, c’est reparti » pour les lourdes heures de pointe, malgré le télétravail. En prime, par rapport à pareille date l’an dernier, 105 000 véhicules de plus ont été immatriculés au Québec. Or, les transports en commun, eux, demeurent largement boudés. Les habitudes adoptées à cause de la COVID-19 vont-elles survivre à la pandémie ?

« Le trafic est revenu à ce qu’il était avant »

Les gros bouchons font un retour en force depuis la rentrée dans la région montréalaise. Sur l’autoroute Métropolitaine, par endroits, la congestion est même pire qu’avant la pandémie, malgré le télétravail.

« On était tellement bien l’année dernière ! »

Sur les routes, s’entend. Car pour Christian Audet, répartiteur chez Transport Alain Giroux, organiser les trajets de livraison à Montréal depuis la rentrée, c’est un gros mal de tête.

« Même quand le client veut payer un surplus, il y a des endroits où on ne va plus, à certaines heures. Ça nous fait perdre trop de temps. À un moment donné, tu n’as juste plus assez de camions pour faire tout l’ouvrage. Le trafic est revenu à ce qu’il était avant. »

Avec en prime 105 000 véhicules de promenade additionnels en circulation au Québec, selon les données de la Société de l’assurance automobile du Québec.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Yves Desautels, chroniqueur à la circulation à Radio-Canada

« Depuis la rentrée scolaire, c’est reparti. Les heures de pointe sont aussi intenses qu’avant la COVID-19, observe Yves Desautels, chroniqueur à la circulation à Radio-Canada. Il y a beaucoup d’accrochages, les gens se suivent de trop près, sans doute parce que les travaux et le trafic les rendent impatients. »

Achalandage accru

Tout comme le ministère des Transports pour les grands axes montréalais, la société Les Ponts Jacques Cartier et Champlain Incorporée (PJCCI) confirme que sur les ponts, l’achalandage est aussi revenu à peu de choses près à ce qu’il était avant la COVID-19. En septembre 2019 comme en septembre 2021, l’organisme a enregistré 2,5 millions de passages sur le pont Jacques-Cartier.

En comparaison, en mars 2020, quand tout s’est arrêté, le pont Jacques-Cartier en était à 1,7 million de passages.

Étonnant dans la mesure où, aux pires heures du confinement, la ville entière semblait endormie. « On a vu des journées avec une circulation réduite de 50 % à 70 %, répond Nathalie Lessard, porte-parole de la PJCCI. Mais ça avait l’air plus désert que cela parce qu’il n’y avait pas d’heures de pointe. Il y avait étalement de la circulation pendant toute la journée. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Rue Notre-Dame Est

Pierre-François Rivest, contremaître en construction qui se tape l’autoroute 15 sur une base régulière, croit que l’exode vers les banlieues explique sans doute, sur son trajet, une partie des bouchons.

En tout cas, de plus en plus de plombiers, d’électriciens, etc. refusent de sortir de leurs quartiers bien délimités. « Je connais un gars qui fait du crépi et qui refuse maintenant d’aller à Laval. »

M. Rivest note cependant qu’à l’intérieur même de Montréal, ce n’est pas mieux.

Si tu dois aller à deux chantiers différents dans la journée sur l’île même, ça peut te prendre autant de temps que si tu as une longue distance à faire.

Pierre-François Rivest, contremaître en construction

Au printemps 2020, le réseau routier était tellement mort que Radio-Circulation 730 AM a carrément fermé boutique pendant plus d’un mois, les chroniqueurs n’ayant plus rien à dire, rappelle Julie-Christine Gagnon, directrice des programmes au 98,5 et responsable de Radio-Circulation. « C’en était rendu que les animateurs envisageaient même, faute de bouchons à commenter, de faire des topos sur l’histoire de la construction de certains ponts et de certaines routes ! »

Là, c’est une tout autre histoire. « Le vendredi précédant l’Action de grâce, la circulation s’est installée à 10 h et ça n’a pas dérougi », explique Julie-Christine Gagnon.

Circulation, pannes, chantiers…

Le retour à la normale se traduit aussi dans les statistiques transmises par le ministère des Transports. Sur l’autoroute 40, à la hauteur de la 1re Avenue, les débits de circulation sont plus élevés qu’avant la pandémie. Sur le pont Médéric-Martin, sur l’autoroute 15 à Laval, les débits sont exactement les mêmes qu’avant la COVID-19.

Frédérique Marie, chroniqueuse à Radio-Circulation 730, note que les pannes, extrêmement nombreuses ces temps-ci, ajoutent au problème. « On dirait que les gens n’ont pas bien entretenu leur véhicule pendant la pandémie. On a vraiment plus de véhicules en flammes, par exemple. »

Et avec la hausse des prix de l’essence, les gens attendent avant de faire le plein, se retrouvent dans un bouchon… puis en panne.

Frédérique Marie, chroniqueuse à Radio-Circulation 730

Que la circulation soit aussi dense alors que les bureaux demeurent aussi vides a de quoi surprendre. Après tout, la consigne de la Santé publique demeure la même.

En effet, jusqu’à nouvel ordre, « le télétravail est recommandé pour tous les employés des entreprises, des organismes ou de l’administration publique qui effectuent des tâches administratives ou du travail de bureau ».

Hausse du nombre de véhicules

Malgré la pénurie de puces électroniques qui freine les ardeurs d’acheteurs potentiels de voitures, la Société de l’assurance automobile du Québec enregistre une année hors du commun. « On note une forte augmentation du nombre de véhicules de promenade en circulation au 30 juin 2021, de l’ordre de 2 %, alors que l’augmentation annuelle se situe normalement autour de 1 % », indique Sophie Roy, relationniste.

Jeanne Robin, directrice de l’organisme Vivre en Ville, note qu’avant la pandémie, « la majorité des sociétés de transport du Québec enregistrait des records de fréquentation. Pour revenir à ces niveaux-là, ça prendra des campagnes de sensibilisation ».

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Jeanne Robin, directrice principale de l’organisme Vivre en Ville

Elle-même raconte qu’en début de confinement, elle prenait le moins possible autobus et métro. Elle s’y est remise il y a plusieurs mois. « Une fois qu’on sera sortis des vagues majeures de COVID-19, il va falloir reprendre [la vie]. »

Mais encore là, les sociétés de transport (qui crient famine depuis 19 mois) auront des investissements à faire pour rendre les transports en commun « attractifs, fiables et confortables » et pour s’éloigner « des classes sardines ».

5,4 millions

Nombre de véhicule de type « promenade » en circulation au Québec au 30 juin 2021

Source : Société de l’assurance automobile du Québec

Sécuritaires, les transports en commun ?

Plus question, comme au début de la pandémie, de se mettre désespérément à la recherche d’un passager infecté au métro Longueuil. Il a souvent été dit que dans les transports en commun, il n’y a pas d’éclosions. Qu’en est-il ?

Vérification faite, la Santé publique ne compte pas s’il y a des éclosions parmi les passagers, l’exercice étant impossible dans un tel lieu de passage.

Dans un avis publié le 1er septembre et portant sur « l’atténuation des risques de transmission dans les transports collectifs », l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) note que peu d’études ont porté sur ce type de milieu et que celles qui ont été faites en arrivent à « des conclusions parfois opposées ».

« Une densité élevée d’utilisateurs, un espace restreint, une ventilation parfois inadéquate et une durée de trajet parfois importante » sont autant de « facteurs de risque susceptibles de contribuer à la transmission » de la COVID-19.

Mais grâce à « des mesures de contrôle strictes et à l’adhésion des utilisateurs, le risque de contracter la COVID-19 dans les différents moyens de transports collectifs se révèle faible », peut-on lire.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Autobus sur le boulevard Saint-Laurent, entre Saint-Antoine et Viger

Qu’il s’agisse du métro, de l’autobus ou du train, l’INSPQ conclut que la durée du trajet, de même que le degré d’adhésion aux mesures sanitaires (port du masque, distanciation possible ou pas) et la densité de passagers sont déterminants.

Le risque moyen de transmission de la maladie entre les passagers d’un train peut augmenter significativement pour chaque heure additionnelle de déplacement.

Extrait de l’avis de l’Institut national de santé publique du Québec

En ce qui a trait aux autobus, l’INSPQ relève que « les autobus climatisés dont la ventilation est insuffisante pourraient présenter un risque de transmission accru ».

Baisses d’achalandage significatives

Tout indique que la population n’est pas à l’aise de reprendre les transports en commun. Les données préliminaires de septembre de la Société de transport de Montréal font état d’une baisse de 44 % dans les déplacements par rapport aux années pré-COVID-19.

Du côté d’exo – qui gère cinq lignes de train de banlieue et les autobus des couronnes nord et sud de Montréal à l’exception de Longueuil et Laval –, les baisses sont aussi significatives, particulièrement pour les trains, dont l’achalandage représente 22 % de ce qu’il était en septembre 2019.

Mais la vie reprend davantage dans les autobus de la couronne nord avec un achalandage qui est maintenant à 64 % de ce qu’il était en 2019.

« Nous observons actuellement un achalandage plus important pour les lignes locales par rapport aux lignes à destination du centre-ville de Montréal », indique Jean-Maxime St-Hilaire, conseiller aux relations médias d’exo.